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Publié le samedi, 8 avril 2023 à 10h16

Tout faux de Veronica Raimo. Sacrée famille

Par Antonella Attanasio

Tout faux - couverture

Animé par une ironie fraîche mais perçante, Tout faux de Veronica Raimo expose les détails de l’enfance et de l’adolescence d’une fille italienne. Enfance et adolescence, sinon difficiles, au moins peu communes...
Proposé en France par Liana Levi dans une traduction d’Audrey Richaud, Tout faux de Veronica Raimo a gagné le prix Strega Giovani en 2022 et a été longtemps en tête des meilleures ventes en Italie.

Si les romans italiens « ne parlent que de liens familiaux », comme un personnage du livre le dit, ne serait-il pas parce que la famille en Italie peut difficilement être dépassée ? La protagoniste du roman recherche les causes d'un passage à l'âge adulte difficile dans le rapport à sa famille, comme il est normal. L’écrivaine italienne fait face aux différentes formes de dysfonctionnement rencontrées en se servant d’une arme aussi classique que puissante : l’humour.

Un esprit irrévérencieux raconte comment les névroses familiales deviennent les névroses personnelles, en particulier féminines, puisque, selon l’autrice, « au départ il y a la famille. Mais surtout si on est des filles, ce départ coïncide avec la fin ». Veronica Raimo fait de sa famille un stéréotype, reportant au fil des chapitres les tics de langage, les fixations, l’anxiété de sa mère comme la paranoïa de son père.

Sexe, avortement, compulsion, rien n’échappe à cette tentative d’exorciser l’ennui d’une enfance enfermée à la maison avec son frère et d’une adolescence à l’enseigne des amours impossibles… L’enfant ennuyée et l’adolescence osseuse anticipent alors l’insomnie de la femme adulte.

Les pages du livre se suivent sans un ordre temporel précis, s’enchaînant plutôt par cohérence thématique. Entourée par une mère tout le temps inquiète pour la vie de ses enfants, d’un père avec l’obsession pour les germes, et d’un frère aussi génial que preneur de place, Veronica Raimo a recours à l’imposture pour s’inventer… D’où le titre, qui en italien sonne plutôt comme « Rien n’est vrai ».

Imposture et humour sont alors autant instruments d’analyse qu’ingrédients littéraires pour une écrivaine telle que Veronica Raimo. D’ailleurs, il est difficile dans le panorama littéraire contemporain de parler de familles dysfonctionnelles sans tomber dans le redondant. Raimo se demande néanmoins, puisque elle n’est pas sûre de ce que lui arrive, si elle n’a pas inventé : « Si rien n’est vrai, tout est faux ».

Bien entendu, elle en a parfaitement le droit. Nous, toutefois, non seulement nous allons considérer son texte ni vrai ni faux, mais nous allons nous désintéresser de la question. Si une enfance compliquée sert à former une écrivaine, si la littérature cherche à tuer tour à tour son père, sa mère, tous ses frères et sœurs, afin de laisser vivre l’artiste, qu’importent le réalisme, le factuel, le chronologiquement exact ? Si l’humour permet de montrer les événements tels qu’ils sont sans devoir avouer ses sentiments, qu’importe la rigueur du réel ?

Nous espérons, au contraire, réussir à interpréter nos propres mésaventures familiales avec le même détachement artistique, le même goût pour le grotesque et peut-être le même questionnement que Veronica Raimo nous montre aussi magistralement afin de réussir, nous aussi, à grandir sans que les problématiques de notre enfance nous dévorent. Et peut-être à transformer notre souffrance originelle en quelque chose dont on peut activement se servir. Évitant ainsi à l’écrivain, et pas qu’à lui, de « finir mal ».

Informations pratiques
  • Veronica Raimo, Tout faux, traduit de l'italien par Audrey Richaud, Liana Levi, 19€