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Publié le jeudi, 2 mai 2019 à 09h42

Tango à la Romaine, roman de Philippe Carrese

Par Deborah D'Aietti

Tango à la Romaine - couverture

Philippe Carrese est un homme des arts, touche-à-tout de la culture, à la fois musicien, scénariste, réalisateur, dessinateur et auteur. Son nouveau roman Tango à la Romaine, paru aux Editions de l’Aube, annonce, dès son titre, une narration rythmée, intense et décalée.

Mai 1967, en pleine guerre froide. Les communistes du groupe Potere Rosso mandatent l’un des leurs, Pietrino Belonore, jeune homme fougueux travaillant au sein d’un cabinet américain, pour commettre un attentat retentissant au cœur de Rome… Rien ne se passe comme prévu et Zefirino, victime collatérale de l’acte manqué est bien décidé à se venger contre l’organisation communiste… Potere Rosso veut quant à elle punir le camarade qui a échoué dans sa mission…Et surgit l’amour, aux accents de bandonéon qui vient donner du fil à retordre à Pietrino Belonore.

Il s’agit d’un roman virevoltant, où les genres se mélangent : l’espionnage côtoie le comique, donnant lieu à une narration piquante, mettant en action une galerie de personnages toujours en mouvement. Les titres des chapitres rendent hommage à chacun des protagonistes : des personnalités hautes en couleur qu’ils soient personnages principaux ou bien secondaires. Tous sont plus ou moins décrits avec minutie dans leur psychologie. Avec des détails plus vrais que nature, ils nous paraissent alors plus vrais que nature, presque bien réels, sans être toutefois des archétypes. Ainsi, Zefirino, chiffonnier vieux garçon, d’un caractère un peu simplet, n’osant pas s’affirmer auprès d’une mère imposante et omniprésente, va se révéler être un homme stratège… à sa manière. La richesse des détails vaut parfois une personnification des objets clés de la narration, comme le véhicule à trois roues de Zefirino, baptisé Polifemo en l’honneur du Cyclope de l’Odyssée. Lui aussi a droit à son chapitre. Véritable compagnon de route, « ce tricyclope pétaradant » sera, du moins ce qu’il en restera, un accessoire charnière dans la narration.

Le rythme est une composante puissante du roman qui est évoqué indirectement dans le titre du roman. La danse sensuelle du tango invite à un tempo marqué qui est également très prononcé dans l’écriture avec de nombreux rythmes ternaires « Elle s’assied face à lui, croise les jambes, appuie un coude sur le dossier de sa chaise ». L’apogée rythmique se ressent dans la scène du cours de tango, où tout le vocabulaire physique est employé ; la tension des corps s’exécute par les mots : « Les jambes se frôlent. Il tend la main gauche. Elle vient y prendre appui. Deux mèches de cheveux noirs collés par la sueur dégringolent sur sa joue. Ils respirent d’un même rythme, arrêtent leurs mouvements aux mêmes instants, reprennent, légers ».

Le roman d’espionnage côtoie la comédie à l’italienne, en alternant des scènes de grande tension romanesque (filature, course poursuite…) avec des scènes purement comiques, comme les scènes truculentes au restaurant. Lors de ces repas, le juge Carmine Bartolomeo et Fabio La Rocca, leader de Potere Rosso, tout en prenant de lourdes décisions concernant l’avenir de l’organisation, éprouvent sérieusement le maître d’hôtel qui a bien du mal à satisfaire ces deux clients caractériels.

Si Tango à la Romaine se lit avec une grande aisance, ce roman fait toutefois partie d’une fresque romanesque plus large sur la famille Belonore au courant du XXème siècle, afin de raconter l’histoire dans l’Histoire. Cette saga littéraire, composée jusqu’ici de trois romans – Virtuoso ostinato, Retour à San Catello, La Légende Belonore- retrace le parcours d’hommes de la famille Belonore. Les premiers livres se déroulent au village San Catello en Lombardie tandis que Tango à la Romaine a pour cadre la capitale italienne pour mieux y situer les prémices des Brigades Rouges, dans l’Italie de la fin des années 60. Certains nœuds de l’intrigue pas tout à fait dénoués sont laissés en suspens. Il ne reste plus qu’à prendre son mal à patience pour connaître la suite.

Informations pratiques

Philippe Carrese, Tango à la Romaine, éditions de l’Aube, 21 €
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