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Publié le lundi, 22 octobre 2018 à 09h32

Simonetta Greggio, Elsa mon amour

Par Deborah D'Aietti

Elsa mon amour - couverture

Qui est Elsa ? Elsa Morante, auteur italienne incontournable en Italie, est beaucoup moins connue en France. Outre le fait qu’elle fut l’épouse du grand Alberto Moravia, elle fut aussi une femme de littérature à part entière, dont la plupart de ses livres sont étudiés à l’école : L’Isola di Arturo, Menzogna e Sortilegio, La Storia

Simonetta Greggio invite le lecteur à découvrir le personnage d’Elsa, cette Elsa, son Elsa, celle qui l’a tant inspirée et fascinée. Elle souligne la nécessité de raconter Elsa Morante en français, langue qu’Elsa maitrisait parfaitement, ce qui a permis à Simonetta Greggio de mettre plus de distance dans son écriture que si elle avait choisi l’italien.

Elsa Morante est, avant d’être un auteur, une femme dans toute son entièreté. Elle s’engage complètement dans toutes les relations aux autres, qu’elles soient d’amour ou d’amitié. Cet engagement est remarquable dans son amour pour Moravia, son mari qui le restera au-delà de leur séparation parce qu’elle refuse le divorce : « Tu m’as trahie mille fois, non pas avec les autres ce dont j’étais malheureuse et que je trouvais malgré tout acceptable, mais avec toi-même, par ta faculté à nier notre amour. A me nier. (…) Je sais aujourd’hui que j’ai été ton épouse devant les hommes et devant Dieu, que les autres femmes n’ont jamais eu ce que j’ai eu et que par la force même de ton déni (…) tu m’as fait exister. »

Récit de l’intime écrit à la première personne, celui-ci nous emmène dans ses pensées les plus profondes. Sans chronologie bien définie, le récit révèle de façon fragmentaire les moments forts de sa vie, ponctué par des notices biographiques en italique : son enfance, marquée par la cohabitation de deux pères, celle d’Augusto Morante, celui qui l’a reconnue, et Francesco Lo Monaco, amant de sa mère qui continuait à rendre visite à la famille Morante ; Son adolescence où elle découvrit le pouvoir de sa sensualité et ses premiers émois amoureux ; Sa vie de femme-auteur, où elle côtoya les plus grands personnages publics italiens de l’époque : Moravia, son mari infidèle, Luchino Visconti, la famille Agnelli, Pasolini, Malaparte Pavese…. C’est comme si l’on déroulait avec Elsa Morante plusieurs pellicules du film de sa vie, dont certaines se sont effacées avec le temps…

L’écriture est un fil rouge. Elle se retrouve à toutes les périodes : de son enfance, où elle commence à écrire précocement et poussée par sa mère, à sa vie de femme où la fièvre de l’écriture se manifeste par pics et est partagée avec le microcosme littéraire de l’époque : « J’écris depuis que j’existe. Avant de savoir écrire, j’écrivais déjà. J’étais écrivain dans le ventre de ma mère. Avant de naître, j’étais écrivain ». Simonetta Greggio donne à voir une femme animée par ses sentiments, libre et fougueuse. Pourtant, sur la fin de sa vie, Elsa est une femme frêle entourée de ses chats et seule la nature semble l’apaiser.

A travers son récit, Simonetta Greggio dissèque subtilement le personnage, nous en fait suggérer son essence ; si ce n’est déjà le comprendre. Ce livre est une invitation à la (re)découverte de l’œuvre d’Elsa Morante, qui, selon Simonetta Greggio est : « L’écrivain qu’on a envie de lire quand on aime l’Italie, l’Italie de ces années-là ; c’est l’écrivain absolu de ces années-là ».

Informations pratiques

Simonetta Greggio, Elsa mon amour, Flammarion, 19 €
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