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Publié le mardi, 9 juin 2020 à 09h30

Réouverture de la Cinémathèque Française

Par Valérie Mochi

Brigitte Bardot dans le Mépris

La Cinémathèque française rouvrira ses portes le mercredi 15 juillet 2020 à 11h et restera exceptionnellement ouverte tout le mois d'août, avec deux séances (en 35 mm) par jour à 16h et 19h30 (sauf lundi et mardi) dans la salle Henri Langlois, les salles de projection Franju et Epstein devront attendre septembre pour leur réouverture.

En revanche la 4ème salle Henri, la salle virtuelle improvisée lors du confinement continuera de proposer des films gratuitement tous les soirs jusqu’au 15 Juillet. Tous les films mis en ligne sur cette plateforme le resteront sans limitation de durée, sauf restriction de droits de diffusion, et "Henri" trouvera un nouveau rythme à la rentrée de septembre.

Parmi la riche collection de films rares mis à disposition (Jean Epstein, Otar Iosseliani, Raoul Ruiz, Marcel L’Herbier, Jean Claude Biette, René Clair…), il faut regarder deux films de court métrage de Jacques Rozier en lien avec l’Italie, Paparazzi et Le Parti des choses : Bardot et Godard réalisés à Capri en 1963 durant le tournage du Mépris de Jean Luc Godard.

Le Parti des choses : Bardot et Godard

Jacques Rozier est l’aîné de JLG de quelques années seulement, ils sont amis et sont les derniers cinéastes représentants de la Nouvelle Vague encore en vie. En 1960 Godard, déjà célèbre, apprécie Rozier et lui présente son producteur Georges de Beauregard qui lui permet de réaliser son premier long métrage, Adieu Philippine.

Quelques années plus tard pour le tournage du premier film de Godard à gros budget avec l'une des actrices les plus célèbres du moment, Brigitte Bardot, Rozier réalise un documentaire résolument moderne aux côtés de son ami JLG. A Capri, villa Malaparte entre mer et rochers, il suit son tournage, Godard en pleine création, il se passionne pour Brigitte Bardot, montre la délicatesse de Michel Piccoli, Jack Palance, Fritz Lang, le maître du cinéma et la caméra Mitchell qui occupe le centre de la scène. Il filme les aléas du tournage, la tempête, les plans qui ne figureront jamais dans la version finale, les travellings, les gestes des techniciens image et son, les régisseurs italiens, les claps, filmé par un cinéaste libre, ce documentaire a gardé toute sa modernité. Une voix off, qui semble être aussi bien la voix de Rozier que celle de Godard, ne raconte pas les différentes étapes du tournage, elle est une réflexion sur la modernité, le hasard : « La caméra est d'abord un appareil de prise de vues, et mettre en scène c'est prendre modestement le parti des choses... »

Paparazzi

Dans ce film, Rozier dans un premier temps présente le tournage du Mépris, Godard, les acteurs, les techniciens, la villa Malaparte, puis il s'éloigne de l'équipe du film et s’intéresse aux paparazzi qui rodent dans les collines avoisinantes. Le terme est né trois ans plus tôt dans La Dolce Vita, où Fellini appelait « paparazzo » un photographe sans scrupule de l’équipe de Marcello Mastroianni.

Rozier est fasciné par la star Brigitte Bardot « la femme la plus photographiée du monde ». Au début, amusée par sa propre célébrité, elle sourit, puis quand les photographes deviennent trop insistants, se cachant pendant des heures sous le soleil et dans des situations périlleuses avec leurs téléobjectifs gigantesques pour traquer ses moindre faits et gestes durant le tournage, Bardot se fâche. Godard la protège et tente de les chasser avec l’aide des policiers italiens, mais les paparazzi sont tenaces, ils veulent leur scoop et reviennent chaque jour. Rozier prend alors le parti d’inverser les rôles et part à la poursuite des paparazzi, il montre leurs difficultés, le danger des hauteurs dans les rochers, la faim, la fatigue, leur jalousie pour la situation confortable du photographe officiel du film, Ghislain (Jicky) Dussart, leurs retours à la base bredouilles, les reproches et les menaces de leurs chefs. Il les traque jusqu’à les interviewer dépités et épuisés à une terrasse de café. Une voix off, celle de Piccoli, s’adresse à Brigitte Bardot et décrit la situation comme un journal de bord tout en parlant de lui à la troisième personne. La musique, les bruitages sur les coupures de presse de Bardot accentuent le dynamisme du montage et son originalité. Rozier s’amuse et donne un ton burlesque à cette confrontation parfois tendue entre la star et les paparazzi, un ton que l'on retrouvera dans la plupart de ses films.

Jacques Rozier à propos de « Paparazzi »

« En 1963, je produis et réalise en même temps, en marge du tournage du Mépris, deux films : Paparazzi, sur les rapports conflictuels de Brigitte Bardot avec ces photographes chasseurs d'images dont la désignation sous le terme de "paparazzi" n'est pas encore arrivée en France, et Le Parti des choses (Bardot et Godard), sur la rencontre cinématographique – inattendue à l'époque – de ces deux stars, l'une du cinéma traditionnel, l'autre de la Nouvelle Vague. Concernant Paparazzi, le terme de "making-of" est inopportun. C'est plutôt un film de fiction constitué la plupart du temps d'éléments enregistrés consciemment de part et d'autre. Ainsi le dialogue en champ-contrechamp de BB avec les trois paparazzi a-t-il été établi avec la connivence des deux parties. »

La numérisation 4K et la restauration 2K du film ont été menées par Jacques Rozier et la Cinémathèque française, au laboratoire Hiventy, à partir du marron et du négatif son, avec le soutien du CNC, de la Cinémathèque suisse, des Archives audiovisuelles de Monaco et d'Extérieur Nuit.

Informations pratiques
  • La Cinémathèque française
  • 51 Rue de Bercy - 75012 Paris
  • Réouverture à partir du 15 juillet 2020