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Publié le jeudi, 3 février 2022 à 10h23

Pour toujours de Ferzan Ozpetek bientôt au cinéma

Par Amélie Ravaut

Une scène du film Pour toujours

Le film Pour toujours de Ferzan Ozpetek sortira dans les salles le mercredi 9 février 2022. Présenté en région parisienne l'année dernière dans le cadre des festivals Chéries-Chéris et De Rome à Paris, La Dea Fortuna (son titre original) a connu une très belle carrière en Italie depuis sa sortie fin décembre 2019.
Le réalisateur italien d’origine turque y livre le récit poignant et en grande partie autobiographique, du quotidien d’un couple gay dont la relation s'est enlisée au fil des années. L'arrivée imprévue et la garde de deux jeunes enfants vont les obliger à faire le point et se confronter à des interrogations cruciales sur ce qu’ils sont intimement, en tant qu'individu, et ce qu’ils forment, ensemble.

Stefano Accorsi incarne le rôle d’Arturo et son partenaire, Edoardo Leo, celui d'Alessandro. Proches de la cinquantaine tous les deux et en couple depuis plus de quinze ans, le premier est traducteur et passe son temps sur son ordinateur et le nez dans les livres tandis que le second, plombier, est sans cesse en déplacement. Les deux acteurs forment un couple convaincant dans leur interprétation d’une vie conjugale dont le quotidien, fait de compromis, d'habitudes, d'usure et de manque d'échange est contrebalancé par une tendresse et une complicité mutuelles, acquises au fil des années et des événements partagés.

Annamaria, amie de longue date d’Edoardo, se présente à eux (sous les traits de la solaire Jasmine Trinca), accompagnée de ses deux jeunes enfants : Martina et Sandro. Contrainte à se faire hospitaliser pour des examens de santé, elle leur en confie la garde pour quelques jours. Les deux hommes, d’abord totalement imperméables à la parentalité et à l'autorité, vont peu à peu se remettre en question pour s’ouvrir l'un à l'autre. Le constat qu'ils dressent est souvent amer et Ozpetek filme avec sincérité ces moments intimes de basculement où la fragilité affleure. Le jeu des acteurs, tout en délicatesse, s'appuie d'ailleurs beaucoup sur des échanges de regard, évocateurs mais jamais démonstratifs.

A l’image de la scène d'ouverture du film, le réalisateur a choisi d’alterner des moments de joie et de légèreté avec des scènes beaucoup plus dramatiques où la douleur se fait aussi fugace et terrible qu'un rire qui s’éteint et dont on conserve nostalgiquement l'écho. Dans l'introduction, Arturo filme avec son portable la fête de mariage d’un couple d’amis. Les convives sont ravis et l'ambiance est à l'allégresse jusqu’à ce que l’objectif se mette à trembler : Arturo cadre Alessandro, passant le pas d’une porte en bonne compagnie et se rhabillant à la va-vite.

Traité au même niveau et avec la même intensité, le quotidien de ce groupe d’individus (les deux hommes sont entourés d’une bande d’amis) ressemble aux deux faces d'une même pièce qui tournerait sans cesse sur sa tranche : drame/comédie. Cette idée de dualité et d’interchangeabilité se retrouve dans le fait que beaucoup de scènes s’apparentent à des confrontations et que les séquences se répondent entre elles. Les personnages fonctionnent par paires et Ozpetek se joue de l’arrivée d’un élément extérieur qui, tout à la fois, dynamite la relation première en faisant apparaître ses failles et la recompose sous un aspect nouveau. Couples, amis, fratries, amants, forment des duos auxquels répondent, par opposition et donc, aussi, complémentarité : vie et mort, réalité et fantasme, vérité et secret, nécessité et désir.

Mais le film, comme son titre original l'indique, possède également tout une dimension poétique et onirique. La déesse Fortuna qui, de manière explicite ici, est dotée du pouvoir d'aider celui qui aime à garder "pour toujours" son amant, imprègne le récit de manière souterraine. Le retour du couple à Palestrina et leur face à face avec la statue redouble celui qui avait inauguré leur rencontre. La fameuse roue de la déesse fait revenir les protagonistes au point de départ afin qu'ils mesurent le chemin parcouru. Et les trajets sont effectivement récurrents dans le film : ils marquent l'idée de passage, de transmission et d'héritage, de répétition mais aussi d'altération.
Puisqu'on part toujours d'un point donné, il est plus aisé de se retourner pour percevoir le temps et les lieux traversés que de savoir où l'on va et ce qu'il en sera à l'arrivée. La déesse de la Fortune, si on accepte de s'en remettre à elle, nous assure plus de risques mais aussi plus de rencontres inoubliables.

Informations pratiques
  • Au cinéma dès le 9 février 2022

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