Publié le dimanche, 5 avril 2015 à 09h02
Poésie en forme de rose, Pier Paolo Pasolini
Rivages poche vient de publier dans sa « petite bibliothèque » en édition bilingue, ce recueil de poèmes du grand artiste frioulan. Il s'agit de poèmes écrits entre 61 et 63 et publiés en 1964 sous le titre de Poesie in forma di rosa, titre emprunté à l'un des poèmes. C'était une période très particulière dans la vie et la carrière de cet intellectuel hors pair.
Autour de la quarantaine, Pasolini devient cinéaste. Après Accattone et Mamma Roma, il tourne La Ricotta, film qui lui vaudra pas mal d'ennuis. Considéré blasphématoire, Pasolini sera jugé et condamné à 4 mois de prison avec sursis pour « outrage à la religion d’État » .
Ensuite il commencera à tourner L'Évangile selon saint Matthieu, film qui sera choisi pour représenter l'Italie au festival de Venise.
Ces années-là marquent également sa découverte du tiers-monde. Il commence à voyager en Inde, avec Alberto Moravia et Elsa Morante, et en Afrique.
Tous ces éléments se retrouvent dans les poèmes qui « vont du journal intime au chant politique en passant par le pamphlet, le synopsis de film ou de livre, l'analyse sociale, l'élégie sentimentale, la confession intime, le récit de voyage, le souvenir de jeunesse », comme l'explique René de Ceccatty dans la préface.
Pas surprenant qu'il ait choisi Poésie en forme de rose, avec son incipit péremptoire « ho sbagliato tutto » (j'ai eu tout faux), pour nommer le recueil. Le titre est très important. C'est un « grumeau de sens », dit le poète. Presque tous les éléments des différents poèmes se retrouvent dans ce poème, s'y croisent.
La rose donne au lecteur plusieurs pistes intéressantes à explorer. Une foule de symboles est liée à cette fleur : la perfection, la régénération, le lapis philosophum... Pour Jung, que Pasolini connaissait par cœur, la rose est la mère, mieux « l’archétype de la mère ». Il faut peut-être creuser dans cette direction, d'autant plus que le premier poème du recueil est la Ballata delle madri (la ballade des mères)... Et c'est bien loin d'être une ode à la mère. Les mères en question ont perdu tout rapport avec l'instinct et le cœur. Ce sont des petites-bourgeoises dévoyeuses. Il ne faut pas se méfier des épines mais des pétales.