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Publié le mercredi, 2 juillet 2014 à 09h00

Ok Corral à Palerme

Par Emilie Voisin

photo du film palerme de emma dante

L’idée de départ est d’une simplicité extrême, qu’Emma Dante a su rendre inventive et captivante : deux voitures se retrouvent face à face dans une rue trop étroite (via Castellana Bandiera à Palerme, où la réalisatrice a vécu et où elle a vraiment tourné) et aucun des conducteurs ne veut reculer pour laisser passer l’autre.
Cette prise de position, cette « question de principe » poussée à l’extrême, à la limite de l’absurde, est posée à 20 minutes du film. Comment la réalisatrice va faire tenir et évoluer ses personnages pendant encore une heure, pare-choc contre pare-choc, bloqués dans une impasse physique et mentale ? Tout simplement en invitant le monde à se joindre dans ce duel Multipla/Punto !
Elle réussit à condenser dans cette rue, toute une réalité sicilienne (celle d’un quartier populaire de Palerme) mais également universelle puisqu’elle touche aux thèmes de la condition des femmes dans une société souvent machiste et traditionaliste, de l’homosexualité, de blocages mentaux : l’impasse physique dans laquelle se trouvent les personnages symbolise l’impasse dans laquelle se trouve la société actuelle.
Au volant de la Multipla, Rosa et à ses côtés, Clara, son amoureuse, qu’elle est censée accompagner à un mariage mais qui semble rattrapée par de vieux démons ravivés par sa présence dans la ville de Palerme… La crise conjugale n’est pas loin !
C’est Rosa qui décide de défier l’autre conductrice de la Punto : Samira, la doyenne de la famiglia Calafiore, une vieille femme, frêle mais têtue (tourmentée par la mort de sa fille), encouragée à ne rien lâcher et à faire valoir leur territoire (la famille vit dans la rue) par son gendre, chef de famille et typique patriarche sicilien.
Ce duel digne des grands westerns à la sauce moderne (la mise en scène est très proche de l’univers théâtral que Emma Dante connaît bien : un seul lieu, peu de personnages, des acteurs non professionnels) va réveiller les rancoeurs, les jalousies, les jeux de pouvoir entre les membres d’une même famille et d’un quartier tout entier (certaines scènes impliquant le voisinage sont truculentes, dignes des grandes comédies à l’italienne) mais aussi éveiller la conscience de chacun…
Dans ce film, reculer, céder sa place signifie renoncer, perdre la face, au risque du vide, voire même de la mort mais c’est peut-être aussi synonyme de lâcher prise et de libération…

Informations pratiques
Critique du film Palerme