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Publié le samedi, 7 décembre 2013 à 17h16

Mon hiver à Zéroland, roman de Paola Predicatori

Par Luca Almonti

L’âge de l’insouciance s’évanouit souvent en nous effleurant à peine, mais parfois cette frontière entre jeunesse et âge adulte s’égrène au cours d’un jour que l’on n’oubliera jamais. Mon hiver à Zéroland évoque une grande douleur. La mort de sa mère, précocement emportée par une maladie, est la lumière qui éclaire le dedans d’Alessandra. Cette expérience « lime » son existence, en balayant toute frivolité, tout besoin de briller et de « faire comme ses amies ».

Le lent cheminement vers l’authenticité enfonce la jeune fille dans la solitude du dernier banc. C’est un exil inattendu qui la conduit dans l’univers de Zéro, un garçon exclu, dont on devine les blessures profondes. Zéro se cherche dans ses dessins et s’enferme dans un mutisme désabusé. Il refuse de se laisser saisir, demeurant cette énigme qu’Alessandra partage avec le lecteur.

Lentement, la rencontre de leurs solitudes produit un sentiment aigre–doux, mais très profond. Grâce à ce sentiment immature la jeunesse, qui semblait perdue à jamais, revient dans les dernières pages du roman. L’heure de l’amour n’as pas encore sonné, mais Zéro va redonner à Alessandra la puissance de rêver.

Mon hiver à Zéroland est un hommage touchant d’une fille à sa mère absente. Se retirant du monde Alessandra délègue à ses souvenirs le rôle de donner du sens. Le point de vue change, se fait alors plus neutre, opère une mise à distance. Grâce à Zéro pourtant, elle découvre qu’une terre d’exil peut être celle d’un retour aux sources. Petit à petit sa solitude tend vers la pluralité des personnages secondaires qui donnent au roman un arrière fond de vérité.

Qu’est-ce qui au bout du compte fait la vie : ce que l’on a perdu ou ce que l’on n’est pas encore parvenu à trouver ? Paola Predicatori place cette question au cœur de son roman. Le lecteur est alerté dès le début, avec cette construction rigoureuse des chapitres où on retrouve le mouvement intime d’Alessandra. Façonné par ce choc entre la mort de la mère et la connaissance de Zéro l’histoire oscille sans cesse entre ces deux possibilités : une archéologie familiale et la faille d’un amour possible. Dans une prose limpide cette lecture nous fait voyager sans hâte et nous laisse au bord de nos propres doutes.

Informations pratiques
Mon hiver à Zéroland
Auteur : Paola Predicatori
Traducteur : Anaïs Bokobza
Éditeur : Les Escales
Prix : 21,90 €

Mon hiver à Zéroland - Couverture
Les Escales, 21,90 €