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Publié le mercredi, 8 septembre 2021 à 15h18

L’Étrange festival 27ème édition propose deux films italiens rarement projetés dans les salles.

Par Valérie Mochi

Giancarlo Giannini dans une scène de Pasqualino Settebellezze

Un incontournable rendez-vous  pour les amoureux d'objets visuels déviants, singuliers, improbables voire géniaux. Pour cette vingt-septième édition les cartes blanches sont offertes cette année à l’immense Pierre Bordage, célèbre auteur de livres de science fiction ou à Lynne Ramsay, cinéaste écossaise la plus précieuse de ce début de siècle.

Le choix italien de Pierre Bordage est Touche pas la femme blanche (Non toccare la donna bianca) de Marco Ferreri 1974
Ferreri disait avoir tourné un western « parce que nous vivons dans un climat de western » et vouloir faire éclater par le rire les concepts "Dieu, patrie et famille" exprimés par le genre. Ferreri reconstitue donc Little Bighorn dans le "trou" des Halles de 1973, deux lieux de ruines se répondant dans l’anachronisme. Cette satire dans le chaos, anarchiste et désopilante démonte les principes du grand spectacle et ridiculise tout principe d’autorité et de domination. Comme le dit Gabriella Trujillo, ce vaudeville outrageant est le film le plus politique de son réalisateur.
Avec: Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve, Michel Piccoli, Philippe Noiret, Ugo Tognazzi.

Pierre Bordage à propos de Touche pas la femme blanche (Non toccare la donna bianca) : « Bien sûr, Ferreri, peu connu jusqu’alors des masses, a bénéficié de l’énorme controverse soulevée au festival de Cannes par la Grande Bouffe (1973), monument de vulgarité scandaleuse selon les uns, film coup de poing sur la société de consommation pour les autres. S’en est suivi, en 1974, Touche pas à la femme blanche, où l’on retrouve le quatuor majeur de la Grande Bouffe : Piccoli, Mastroianni, Noiret, Tognazzi, ainsi que Monique Chaumette, où l’on découvre également Catherine Deneuve en amoureuse de Custer, Serge Reggiani en indien fou, Alain Cuny en Sitting Bull et Darry Cowl en major ; et cette idée, farfelue et géniale, d’utiliser le trou des Halles en plein cœur de Paris comme décor de cette parodie de western tournant en dérision le mythe du général Custer (Mastroianni) et la bataille de Little Bighorn.

Ferreri aurait eu l’intention, en mettant en scène cette œuvre ambitieuse et coûteuse, de ruiner son producteur de la Grande Bouffe, lequel n’aurait pas reversé au réalisateur italien la part qui lui revenait. Finalement, peu importent les raisons qui ont présidé à la naissance de ce film, l’important est de découvrir ce cinéma en roue libre, qui, au-delà du burlesque assumé, renferme une charge virulente contre le système patriarcal et religieux, et de voir les grands acteurs de l’époque cabotiner avec une énergie réjouissante dans le ventre béant de Paris. »

Lynne Ramsay quant à elle choisit Pasqualino Settebellezze de Lina Wertmüller 1975. Durant la Seconde Guerre mondiale, en Italie, l’ascension d’un escroc minable qui traverse les événements et les lieux les plus innommables, prêt à toutes les lâchetés et abjections pour sauver sa peau.

Pasqualino constitue la figure même de l’anti-héros de Lina Wertmüller, ici à son apogée obscène et cynique. Son acteur fétiche Giancarlo Giannini y fait des étincelles, érigeant la vulgarité et l’antipathie au rang d’œuvre d’art. Mais qu’on ne s’y trompe pas, dans ce film trivial porté par un formalisme puissant, c’est bien l’horreur que métamorphosent le grotesque et l’humour dévastateur de la cinéaste, qui décompose et anéantit violemment tous les concepts de virilité, en les mettant en miroir du fascisme. Lina Wertmüller tue le mâle italien avec le cinéma comme arme du crime. Avec: Giancarlo Giannini, Fernando Rey, Shirley Stoler, Elena Fiore.

Lynne Ramsay à propos de Pasqualino (Pasqualino Settebellezze) : « Situé dans l’Italie fasciste de Mussolini, le film est le portrait d’un imbécile (Pasqualino) dont le sens macho de « l’honneur » est mis à mal par des insultes proférées contre ses sœurs peu avenantes. L’attitude de plus en plus burlesque de Pasqualino se transforme en préservation de soi au prix de n’importe quel acte dépravant ou humiliant : dans le tumulte d’un monde en guerre, son seul geste héroïque c’est de survivre. Le chef d’œuvre de Lina Wertmüller est une tapisserie d’orgueil picaresque parfaitement tissée, hilarante, absurde et horrifique. »

Il faut se précipiter au Forum des Images qui accueille L’Etrange Festival car ces perles rares ne sont projetées qu’une fois le 10 septembre à 17h pour le film de M. Ferreri et le 16 septembre à 15h30 pour le film de L. Wertmüller et bien sûr découvrir d’autres étrangetés.

Informations pratiques
  • Forum des images
  • Forum des Halles, 2 Rue du cinéma - 75001 Paris
  • Dès le 8 septembre 2021. Voir le programme