livres

Publié le jeudi, 16 novembre 2023 à 09h36

Les amours difficiles de Italo Calvino. Rien n’est jamais facile

Par Murielle Hervé-Morier

Les amours difficiles de Italo Calvino - couverture

On ne présente plus Italo Calvino, l’écrivain dont on fête cette année le centenaire de la naissance. Au fil de textes qui englobent une période allant de 1949 à 1967, ce recueil comprenant treize nouvelles et deux novellas, ce prodigieux peintre de l’instant flirte avec sa coutumière poésie burlesque tout en jetant un regard acéré sur ses contemporains. Ici, ce livre tout public se concentre d’une part sur le thème de l’amour, d’autre part sur celui du mal de vivre. Le tout sous l’angle de l’incommunicabilité entre les êtres.

« Comment retourner sur la plage lorsque l’on a perdu son maillot dans la mer ? Peut-on lutter contre une invasion de fourmis sans sombrer dans la folie ? Ne pas retrouver ses clés peut-il constituer une raison pour être accusée d’adultère par son mari ? » La quatrième de couverture pose l’ambiance de ces différents récits qui présenteront plusieurs niveaux de lecture, dans le sens que chacun ne manquera pas d’y aller de sa propre réflexion selon sa manière d’appréhender l’existence. De plus, la fin ouverte facilite autant l’immersion dans l’histoire que sa réappropriation.

Première partie du livre : Treize tableaux qui nous racontent l’immense désarroi des protagonistes avec lesquels tout un chacun se trouvera sûrement des affinités : un soldat, un bandit, une baigneuse, un employé, un photographe, un voyageur, un lecteur, un myope, une épouse, des époux… un poète, un skieur, un automobiliste… Ainsi les aventures (ou mésaventures plutôt) de tous défilent sous nos yeux et on sent bien que l’auteur s’attache à fouiller la psychologie de ses personnages, empêtrés dans des situations aussi cocasses que délicates mais toujours empreintes de réalisme. On compatit avec eux. Vraiment. Cependant, comme c’est souvent le cas avec les nouvelles, certaines feront plus impression que d’autres. Le grand moment de solitude de cette baigneuse, sa gêne qui frôle le désespoir marqueront fortement les esprits. De même que l’attitude de ce lecteur vorace et un peu mufle aux entournures, qui n’était sûrement pas en train de lire L’art subtil de la séduction quand il a repoussé les assiduités d’une amoureuse potentielle.

La deuxième partie axe ensuite son propos sur le mal de vivre lié à l’environnement ; le cadre de vie en effet occupe à chaque fois le cœur de l’intrigue. La fourmi argentine. Avoir un toit c’est essentiel pour tout être humain. Et il suffit parfois d’un rien pour gâcher le plaisir surtout quand on sait qu’un insecte insignifiant y réussit très bien. Ce couple avec un enfant n’est donc pas au bout de ses surprises… et de ses déconvenues… quand il découvre que la maison qu’il a louée est infestée par une espèce de fourmi aussi invasive que résistante…

Le nuage de smog. Le titre fait référence à la pollution liée aux fumées, émanations chimiques et autres résidus de combustion. Ce récit de 1958 mené à la première personne a pour narrateur le rédacteur d’un bulletin d’information intitulé Salubrité. Ainsi ce dernier a-t-il débarqué dans cette ville gagnée par la grisaille pour occuper un poste auprès de l’Organisation pour la salubrité de l’atmosphère urbaine des centres industriels. Tout un programme… Son rôle consiste à promouvoir une atmosphère saine et un environnement propre. D’ailleurs, l’appel à agir pour remédier au problème se fait de plus en plus pressant, car le nuage de smog a envahi la ville et sa poussière recouvre presque tout. Mais y-a-t-il une issue ? Là encore, les différentes interactions du personnage principal avec ses congénères vont montrer comment chacun s’accommode de la présence importune de ces particules, dévoilant ainsi sa relation au monde.

Informations pratiques
  • Italo Calvino, Les amours difficiles suivi de La vie difficile (Titres originaux : Gli amori difficili ; La vita difficile), traduit de l’italien par Maurice Javion et Jean-Paul Manganaro. Édition revue par Mario Fusco, Collection Folio – Gallimard, 9,70 €