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Publié le jeudi, 11 avril 2019 à 09h34

Le Tour de l’oie, nouveau roman d'Erri De Luca

Par Deborah D'Aietti

Le Tour de l’oie - couverture

Plus intime que jamais dans ce dernier ouvrage paru chez Gallimard, Erri De Luca joue au Tour de l’Oie, un texte autobiographique aux accents testamentaires sous une forme originale.
Le narrateur-personnage, écrivain et arrivé à un âge avancé, dresse le bilan de sa vie au fils qu’il n’a jamais eu, un soir d’orage au coin du feu. Ce discours à une voix et à la deuxième personne se transforme en un dialogue avec ce fils imaginaire, sorte de « Pinocchio » des lettres. Alors que Geppetto forge par accident son enfant dans le bois, le narrateur-personnage lui fabrique ses contours par les mots : « tu es apparu comme ça, côte d’une autre histoire, qui joue avec les mots, matière qui ne vient pas d’un arbre coupé. Le papier sur lequel j’écris, lui, oui. »

Ce fils est déjà un adulte quadragénaire, capable de remettre en question les paroles de son père, de lui donner du fil à retordre sur ses engagements, ses agissements. Intervenant au départ avec de courtes interventions, le fils imaginaire vient finalement bousculer ses principes, ses croyances. Ses premières paroles, timides, sont de plus en plus prégnantes. Par exemple, face à ce père athée, le fils se heurte à lui : « La foi n’est pas une des intimités qui te manquent, c’est ton renoncement à la recevoir ».

Les étapes de leur conversation passent en revue autant de thématiques chères à l’auteur : Naples, la famille, l’engagement politique, une réflexion sur le métier d’écrivain…Ce napolitain d’origine a été un partisan de Lotta continua, amoureux des montagnes –l’alpiniste revient souvent- et des lettres.

Ce texte sonne comme un legs : il donne les expériences qu’il a connues dans sa vie. Mais celle-ci est remplie de hasards : « ''J’ai un corps et j’ai joué au jeu de vivre dedans. Quel jeu ? Le jeu de l’oie. On lance un dé et on se déplace dans un circuit en spirale''. »

Mais quel est vraiment le sens de cette conversation ? Puisque le fils n’est que le fruit de l’imagination du narrateur, ce dernier effectue en réalité les questions et les réponses, se contredisant lui-même. Parfois, le fils le bouscule de façon violente :« Tu es un, désespérément rien qu’un.
Tu te tutoies toi-même et en plus tu y crois, tu ne te rends pas compte que tu vis dans ta fiction littéraire ».
Il s’agit alors d’un discours de l’intériorité, où l’écrivain se livre avec une profonde sincérité et nous fait nous, lecteurs, les témoins de son propre testament.

Informations pratiques

Le Tour de l’oie, Erri De Luca, traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, 16 €.
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