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Publié le lundi, 16 mai 2016 à 15h31

La Cure de l’enfant autistique de Martin Egge

Par Chiara Mangiarotti

La Cure de l’enfant autistique - couverture

La Cure de l’enfant autistique de Martin Egge, paru récemment à L’Harmattan dans la collection Psychologiques, dans la belle traduction de Sylvie Levesque, peut être considéré comme essentiel à la compréhension du sujet. En ces temps de discrédit de la psychanalyse qui, selon certains n’aurait « rien à faire dans le champ de l'autisme », le livre de Martin Egge constitue un exemple précieux d’efficacité thérapeutique et de pertinence d’une pratique d’orientation psychanalytique en milieu institutionnel.

Fruit d’un travail personnel mené en Italie pendant des années, l’ouvrage témoigne d’une praxis bien éloignée des caricatures faites par les lobbyistes anti-psychanalyse. Sa publication en France peut permettre aux professionnels, aux élus, aux journalistes et aux parents de mieux s’informer et, pour ces derniers, de choisir en connaissance de cause dans l’offre thérapeutique. Comme le dit Antonio Di Ciaccia dans sa préface : « Martin Egge est parvenu dans ce livre, à offrir au lecteur un tableau ample et bien articulé de la théorie et de la pratique clinique appliquée de nos jours dans le champ freudien »(A. Di Ciaccia, « Préface », in M. Egge, La cure de l’enfant autistique, L’Harmattan, Paris 2015, p. 10), soit l’ensemble des institutions européennes liées en réseau, qui se réfèrent à l’enseignement de Freud et de Lacan.

Paru en Italie en 2006, ce livre est très actuel dans sa dimension d’expérience vivante, d’écriture de terrain, en acte. Il témoigne d’une pratique clinique très spéciale, dans le sens où elle est très respectueuse du sujet. C’est là, d’ailleurs, le principal enseignement de la psychanalyse de Freud et de Lacan. Martin Egge, part de la profonde conviction que les autistes ne sont pas des handicapés à dresser : ce sont des sujets en difficulté à cause d’un trouble qui n’est pas localisable dans les plis du cerveau mais dans le champ du symbolique. Un enfant autiste est enfermé en lui-même, plus au moins, selon les cas ; il se défend de l’autre qu’il ressent comme intrusif, en érigeant des barrières pour se protéger du monde. Cependant, il est aussi dans le champ du langage. C’est à partir de cette thèse, que Martin Egge a fondé, en 1997, l’Antenne 112 de Venise, un lieu d’accueil et de cure pour enfants psychotiques et autistiques.

À l’Antenna 112, on met en œuvre la « pratique à plusieurs » initiée en 1973 par Antonio Di Ciaccia, c’est à dire un travail d’équipe pluridisciplinaire inspiré par l’éthique de la psychanalyse, à l’écoute de la singularité de chaque enfant, et en partenariat avec leurs parents. Les enfants autistiques « exigent un Autre ayant fonction de garant qui les soutienne dans leur subjectivité. Parfois à peine perceptible, un Autre peu musclé, qui mette en jeu son propre désir, soit curieux d’eux et créatif avec eux qui sont si désarmés et, en même temps, si forts.» (Ibid. p. 213.)

La pratique à plusieurs est un moyen pour créer une atmosphère désirante autour d’un sujet qui justement n’a pas de désir. Chaque intervenant travaille avec son propre style, il invente en fonction de chaque enfant, à partir de propositions minimales du sujet, mais tous les intervenants ont le même but : ils font tous le même pari d’émergence du sujet, même si cela n’est pas immédiatement visible a priori.

« En bref, il s’agit de faire trésor du savoir que nous donne la psychanalyse sur le fonctionnement de la psyché humaine sans pour autant appliquer une quelconque forme de thérapie, psychanalytique ou autre : ce qui importe c’est de créer, grâce à la psychanalyse, un lieu de vie conforme aux exigences de la psyché et permettant d’affronter les obstacles et les difficultés que rencontre l’enfant atteint d’autisme (…) en lui offrant des instruments adaptés et conformes à la structure de l’inconscient ». (Ibid., p. 9-10)

Cette pratique, trop peu connue, contredit de facto les clichés véhiculés actuellement à propos des thérapies d’orientation psychanalytiques dans le domaine de l’autisme. Comme le démontrent les écrits de trois autistes adultes, Birger Sellin, Donna Williams et Temple Grandin, auxquels est consacré tout le quatrième chapitre du livre, « l’autiste n’est pas un être humain au degré zéro de son existence, comme l’autisme a souvent été défini, mais un sujet, parfois bizarre, pris dans une impasse quant à son Autre. » (Ibid., p. 16) Dans cette pratique, on se fait partenaire du sujet pour l’aider à surmonter cette impasse.

Chiara Mangiarotti est psychanalyste membre de la SLP et Présidente de la Fondation Martin Egge Onlus

Présentation : La Cure de l'enfant autistique sera présenté le 29 mai après midi, à la libraire de l'Harmattan, de 15h à 18h en présence de Mme Chiara Mangiarotti, M. Éric Laurent, psychanalyste, membre de l'ECF, Mme Mireille Battut, présidente de l'association de parents d'autistes La main à l'oreille.

Informations pratiques

La Cure de l'enfant autistique, L'Harmattan, 25 € 
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