Archives Cinéma

Publié le vendredi, 6 décembre 2019 à 09h42

La carrière d’une femme de chambre (Telefoni bianchi) de Dino Risi au cinéma en version restaurée

Par Valérie Mochi

Vittorio Gassman et Laura Trotter dans une scène de La carrière d'une femme de chambre

La carrière d’une femme de chambre (Telefoni bianchi) de Dino Risi ressort au cinéma en copie neuve 4K le 11 décembre 2019.

Souvent les titres des films italiens ont une traduction française improbable ou fantaisiste comme par exemple Primo Amore de Dino Risi, qui devient Dernier Amour. Dans le cas de son film intitulé Telefoni Bianchi, le choix français de La Carrière d’une femme de Chambre s’explique, le public français connaissant peu l’histoire de ces téléphones, il était préférable de rester plus proche de la trame du film.
Le téléphone blanc est le symbole du luxe dans les comédies italiennes des années 30, un genre cinématographique de l’époque du fascisme. Aucune référence à la vie réelle dans ces milieux bourgeois où les stars glamour en robes longues et smoking évoluent dans des palaces. Et distraction oblige, on y pousse la chansonnette qui souvent remporte plus succès que le film lui-même.

Dino Risi, à son habitude, se moque de cette période de l’histoire italienne dès les premières images, le générique de début est un court métrage, une parodie en noir et blanc des films du genre « Telefoni Bianchi ».

Vittorio Gassman en Franco Denza donne la réplique à Laura Trotter en Loretta Mari, des rôles qui pourraient être inspirés des vraies stars de l’époque, Osvaldo Valenti et son épouse Luisa Ferida, d’ailleurs de nombreux détails de leur vie réelle sont présents dans le film.

Et le film commence, en couleurs, au Lido de Venise, de la fenêtre de l’hôtel Excelsior, Marcella, Agostina Belli, une charmante femme de chambre assiste à la descente des marches du festival, toutes les stars sont là, dont le célèbre couple Franco Denza et Loretta Mari.

Marcella est l’héroïne de cette comédie satirique de Dino Risi, une jeune femme jolie et pas farouche que l’on suit dans son ascension chaotique vers la gloire et la paillettes car elle veut devenir une star elle aussi. Malheureusement elle part de loin et seuls ses charmes lui permettront d’avancer sur cette route semée d’embûches.

Chemin faisant elle rencontrera un faux producteur, un militaire fasciste et sadique, un compositeur de musique infantile, le Duce en personne, sur la plage et en maillot de bain (on pense alors à l’actrice Miria di San Servolo de son vrai nom Myriam Petacci, sœur de la maîtresse du Duce comme source d’inspiration du personnage de Marcella/Alba Doris), la star Denza, un bellâtre cocaïnomane sans courage, et un trafiquant ignoble interprété par le génial Ugo Tognazzi.

Les scènes s’enchaînent à un rythme haletant, une mécanique bien huilée pour cette comédie qui fonctionne sur le comique de répétition. Contrainte ou consentante, elle doit coucher avec tous ses « bienfaiteurs », elle cède à toutes les avances pour obtenir une vie plus agréable. Sauf avec son fiancé Roberto, interprété par Cochi Ponzoni, pécheur et jaloux, qui est enrôlé de force par les fascistes à la minute où ils allaient se marier. De temps en temps il réapparaît mais repart aussitôt au front piégé par sa jalousie. Il fera toutes les guerres tout au long du film, elle sera toujours à sa recherche.

Risi n'a pas fait le choix de la critique du fascisme avec ce film, ce qui l'intéresse c'est le genre humain, il préfère se focaliser sur les personnages et leurs travers, de moqueries en sarcasmes, aucun personnage ne sort glorieux de cette aventure. C’est là tout le talent de Dino Risi, scruter l’âme humaine dans toute sa noirceur et tendre un miroir au spectateur en le faisant rire aux larmes.
Suite de la mini retro en janvier 2020 avec Sexe Fou (Sessomatto) et Dernier Amour (Primo amore).

Informations pratiques

Au cinéma à partir du 11 décembre 2019

Jeu-concours des places à gagner réservé aux abonnés à notre lettre
(pour participer au concours, cliquez sur ce lien et répondez aux trois questions)