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Publié le vendredi, 10 octobre 2014 à 09h43

L'exception italienne

Par Stefano Palombari

les gambas rouges de Mazara del Vallo

Il y a quelques jours, j'ai été invité à une soirée organisée au consulat par la Eat well. Petite piqûre de rappel : La Eat well est une jeune structure dynamique, née de la volonté de deux trentenaires siciliens, Simone Santa Maria et Luigi Anca, pour faire découvrir la quantité et la qualité des produits de leur île.

Déjà, le printemps dernier, lors d'un dîner à base de gambas rouges de Mazara del Vallo j'avais été bluffé par la richesse et la complexité organoleptique de ce petit crustacé. La soirée au consulat m'a permis d'avoir un aperçu de l’excellence sicilienne dans d'autres secteurs de l'alimentation.

Il était toujours question du gambas rouge, dont on ne se lasse pas. A ce propos, Yves Camdeborde, l'initiateur malgré lui de la « bistronomie », était aussi de la partie. Il a voulu partager avec les invités le souvenir de sa rencontre avec le « roi de Mazara del Vallo » . Son émerveillement au premier impact avec son goût unique. Goût à ses dires « plus proche de la langouste que du gambas traditionnel ».

Mais les « fruits » superbes de cette île ne se limitent guère au gambero rosso. Les invités ont pu découvrir beaucoup d'autres produits : Le pain réalisé avec un cultivar ancien de blé dur sicilien, moulu à la pierre naturelle, la ricotta de brebis de petits producteurs qui nous a enchanté les papilles dans une cassata et des petits cannoli exquis réalisés sur place, la provola delle Madonie, fromage produit par l'Azienda Agricola Duca Carmelo, les conserves campo d'oro, les trois cultivars de grenades Pomel… que des petits producteurs ou des coopératives.

Moment fort de la soirée, la participation de Nicola Clemenza, un producteur d'une huile d'olive définie « extra éthique ». Il a gagné la bataille contre le chantage mafieux, bataille qui lui a valu la voiture et la maison brûlés. Le siège de la coopérative qu'il préside occupe actuellement des locaux confisqués à la mafia. Son excellente huile d'olive est réalisée exclusivement à partir d'une variété autochtone d'olive la nocellara del Belice.

Les vins n'étaient pas en reste. Les convives ont pu apprécier les blancs de la maison Curatolo Arini, qui existe depuis cent-cinquante ans. Que des cépages autochtones, notamment grillo et inzolia. Nous avons goûté également leur excellent marsala, réalisé à partir d'un savant mélange de ces deux cépages et du catarratto.

Une autre maison viticole avait fait le déplacement, la De Bartoli. Il s'agit d'un producteur de vins d’exception comme le Vecchio Samperi ventennale, un marsala vieilli plus de vingt ans, un marsala unique, car pré-anglais, c'est à dire avant la commercialisation de John Woodhouse, dans le sens qu'il n'est pas « fortifié » par l'ajout d'alcool et de moût de raisin.

La chercheuse Francesca Cerami de l'« I.di.med », institut du régime méditerranéen, de Palerme a expliqué de façon claire et savante les bienfaits sur la santé d'une alimentation à base de produits de qualité. C'est l'une des raisons pour lesquelles le régime méditerranéen a été par ailleurs inscrit par l'Unesco au patrimoine immatériel de l'humanité.

J'ai pu m'entretenir avec des producteurs. Un moment très important, très instructif. Ils étaient là, fiers de montrer les qualités organoleptiques et sanitaires de leur produits. De montrer qu'une autre agriculture est possible. Une agriculture en harmonie avec le territoire et l'environnement, mais aussi avec son histoire. Une agriculture qui protège la diversité en perpétuant la production d'aliments qui ne sont peut-être pas aussi « rentables » que d'autres mais qui « ont bon goût et font du bien » et qui font partie du patrimoine gastronomique du territoire.

Certains, obnubilés par l'idéologie purement « rentabiliste » de l'agriculture, pourraient les considérer comme des exaltés, des naïfs. C'est le contraire. Il s'agit de gens de bon sens, des personnes responsables qui voient à long terme. Seule logique qui ait un avenir.

Cette soirée m'a fourni une ultérieure confirmation de l'importance de la petite production de qualité, qui projette la Sicile et l'Italie sur la voie de l'excellence. On est aux antipodes du modèle productiviste, myope et dévastateur, des fermes-usines, que ce soit des mille vaches ou des 250 000 poules.

Informations pratiques

Vous pouvez vous procurer le gambas rouge de Mazara del Vallo dans les boutiques franciliennes Au bon port
Plus d'informations sur la Eat well