Archives Cinéma

Publié le jeudi, 24 septembre 2020 à 10h14

Jours d'amour (Giorni d'amore) de Giuseppe De Santis en version restaurée le 30 septembre au cinéma

Par Valérie Mochi

Marcello Mastroianni et Marina Vlady dans une scène de Jours d'Amour de Giuseppe De Sanctis

Grâce à Jours d’Amour (Giorni d’Amore) Marcello Mastroianni obtiendra sa première récompense, un Nastro d’Argento, il a tout juste trente ans, Marina Vlady n’en a que 16 et déjà l’expérience d’une quinzaine de films. Ce n’est pas la première fois qu’ils sont fiancés au cinéma, en 1952 ils formaient un couple dans Penne Nere de Oreste Biancoli mais c’était en noir et blanc, Jours d’Amour est l’un des premiers films qui nous permette de les voir en couleurs si jeunes, lui futur latin lover et elle aux charmes plus slaves que méditerranéens. En 1989 ils se retrouveront à nouveau, 25 ans plus tard, dans Splendor d'Ettore Scola.

En 1954 dans Jours d’Amour, ils interprètent Pasquale Droppio et Angela Cafalla, de jeunes paysans pauvres qui n’ont pas les moyens d’organiser leur mariage. Ils travaillent autant qu’ils le peuvent mais leur maigre salaire ne suffira jamais à subvenir aux frais de la noce chaque année repoussée. Leurs familles ne pouvant pas non plus les aider, pour faire bonne figure dans ce village de Ciociaria, il ne reste qu’une solution, la fuite amoureuse qui permettra de valider le mariage consommé et d’organiser une cérémonie à moindre frais.

Durant toutes leurs péripéties et de nombreux rebondissements, le film passe avec virtuosité du drame social à la comédie de mœurs, Angela préoccupée par sa mise en plis et sa robe de mariée, repousse les avances de Pasquale car elle craint d’être « séduite et abandonnée », lui, en train de courir et de demander de l’aide de tous les côtés pour réunir la somme nécessaire au mariage s’essouffle, il n’en peut plus de voir sa nuit de noce toujours reportée pendant que les deux familles ont des scènes de disputes mémorables.

« Commedia rurale » ou bucolique, Jours d’Amour s’éloigne de la rigueur du style néoréaliste dont Giuseppe De Santis est l’une des têtes de file. Chasse tragique (Caccia tragica), Riz Amer (Riso Amaro) ou de Pâques sanglantes (Non c'è pace tra gli ulivi) dont il est l’auteur, sont des films emblématiques de ce courant, et lorsque le néoréalisme commence à se déliter, à muter, De Santis s’adapte au changement, il tourne en couleurs à Fondi sa ville natale et en partie en studio. Le néoréalisme est devenu rose.

Quelque soit l’époque, sous le regard de De Santis sur ses actrices est sensuel, le rose se teinte aussi d’érotisme. Dans Jours d’Amour, il reproduit une image devenue culte de Riz Amer, un clin d’œil aux jambes de la grande et voluptueuse Silvana Mangano : Marina Vlady fait la lessive au bord d’une rivière, elle a les pieds dans l’eau, la jupe relevée et les jambes aussi dénudées et aguichantes que celles de Silvana Mangano, mais c’est la candeur d’une adolescente blonde opposée à la bombe sexuelle des rizières.

De Santis est un cinéaste qui sait filmer les corps quels qu’ils soient, il nous rapproche de ses personnages hommes ou femmes, des acteurs confirmés ou des non professionnels car il filme avec générosité et égalité les hommes et les femmes. C’est ce qui lui sera reproché tout au long de sa carrière, De Santis est plus communiste que néoréaliste, et son engagement au sein du Parti éloigne les producteurs, il ne réussira à tourner qu’une dizaine de films malgré des succès retentissants.

Jours d’Amour est l’un des premiers films en couleurs de ce genre et de cette époque. En 1952 Totò en couleurs (Totò a colori) de Steno inaugure les nouvelles pellicules de la Ferrania, une entreprise italienne de matériel photographique, le Ferraniacolor. Malheureusement le nouveau procédé ne durera pas, seulement une dizaine d’années et une trentaine de films comme La Pensionnaire (La spiaggia) d’Alberto Lattuada ou Froufrou de Augusto Genina mais dans un genre différent. Le Ferraniacolor sera vite remplacé par la pellicule Eastmancolor à peine plus coûteuse mais avec une meilleure stabilité des couleurs et des contraintes moins lourdes en matière d’éclairage.

D’ailleurs peu de films du néoréalisme sont tournés en couleurs, les cinéastes préfèrent le noir et blanc pur que produit également la Ferrania, le Pan30. Mais De Santis pionnier, grand technicien amateur de cinéma américain, accepte le défi de la couleur pour un sujet plus proche de la comédie. Il fait alors appel à un peintre Domenico Purificato pour la direction artistique, l’harmonisation des couleurs, des décors et des costumes, c’est une première dans le monde du cinéma et un spectacle pour les yeux.
Le rose est aussi la dominante de cette version restaurée, magnifique pour la qualité de l’image, les couleurs sont légèrement surannées comme de vieilles photos de famille. Une comédie charmante et engagée à voir absolument sur grand écran !

Informations pratiques
  • Au cinéma dès le 30 septembre 2020