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Publié le mardi, 11 juillet 2023 à 12h00

Il Colibrì de Francesca Archibugi. La vie à hauteur de terrasse

Par Stefano Palombari

Pierfrancesco Favino et Bérénice Béjo dans une scène du film Il Colibrì

Il Colibrì est un petit oiseau et c’est le surnom de Marco Carrera. On l’appelle ainsi car, à l’adolescence, il avait arrêté de grandir, un peu comme le héros de Günter Grass. Sauf que le père, ingénieur, féru de nouvelles technologies et de trains électriques, décide de forcer la nature et de le soumettre à un traitement expérimental. Marco atteindra donc une taille normale.

Mais le colibrì est aussi un oiseau qui n’aime pas s’aventurer en terre inconnue, un animal sédentaire qui emploie un maximum d’énergies pour ne pas bouger. Marco suit donc le destin que lui a dicté son surnom. Sa vie, émaillée de tragédies et de déceptions, est racontée de façon non linéaire. Lorsqu’on fait sa connaissance dans la première scène du film, il est déjà âgé. Les allers-retours continus entre les différentes époques de la narration, nous permettent de reconstituer son histoire et celle de sa famille. Tant de petites pièces d’un puzzle qui prendra la forme définitive seulement à la fin.

Le film, tiré du roman homonyme de Sandro Veronesi, est très bien réalisé. Il faut féliciter les costumiers et les maquilleurs qui ont fait un travail formidable pour pouvoir garder les mêmes acteurs à des âges et des époques différents. Pierfrancesco Favino, Laura Morante, Nanni Moretti, Bérénice Béjo… des professionnels de haut rang, sont tous parfaitement crédibles dans leurs rôles respectifs. Les thèmes abordés tout au long de cette saga familiale : la maladie, la mort, l’amour, même s’il manquent d’originalité, ne sont jamais banalisés. A remarquer la prise de position audacieuse sur le suicide assisté.

On peut reprocher peut-être une petite glissade sur le personnage de Luisa (Bérénice Béjo) qui cède au cliché de la femme française volage et cachottière. En revanche, Nanni Moretti est impeccable dans le rôle du psychanalyste, rôle qu’il affectionne particulièrement (La chambre du fils et Habemus Papam).

N’ayant pas lu le roman de Sandro Veronesi, je ne sais pas à qui imputer la légère irritation éprouvée pendant la projection. Une sensation analogue m’avait habitée, il y a quelques années, à la lecture de Caos Calmo, toujours de Sandro Veronesi, et à la vision du film adapté par Antonello et Antonio Luigi Grimaldi. C’est le milieu auto-référentiel auquel appartiennent tous les protagonistes qu’est la source de ce malaise. S’agit-il d’un parti pris ? S’agit-il d’une parodie subtile, presque imperceptible, d’une bourgeoisie intellectuelle décadente autant qu’insupportable ? Marco, sa famille, ses amis, ses voisins… tous évoluent dans un monde féerique peuplé uniquement d’architectes, médecins, ingénieurs, psychanalystes propriétaires de superbes appartements avec terrasse en centre ville, de maisons secondaires avec plage privée en Toscane, de grosses berlines allemandes (plus adaptées peut-être aux dealers de banlieue qu’à l’élite intellectuelle). L’auteur et la réalisatrice sont-ils tombés sous le charme discret de cette bourgeoisie oisive ou bien ont-ils trouvé une façon, discrète elle-aussi, de la ridiculiser ?

Informations pratiques
  • Au cinéma dès le 2 août 2023

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