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Publié le mercredi, 14 avril 2010 à 15h10

L'Italie des années de plomb sur grand écran

Par Stefano Palombari

La Prima Linea est un film très courageux. En Italie, les polémiques l'ont accompagné pendant sa conception, sa réalisation et bien évidemment sa diffusion. Dès que l'on aborde le sujet du terrorisme, les esprits se chauffent et on ne réussit pas à avoir une discussion calme et objective sur le sujet. Les anciens « terroristes rouges », qui ont pourtant payé leur dette avec la justice, portent toujours sur eux une tache indélébile qui les rend infréquentables. Même ceux qui ont reconnu leurs erreurs. C'est le cas justement de Sergio Segio et Susanna Ronconi, les personnages principaux de ce film.

En se basant sur le livre-confession de Sergio Segio, parmi les fondateurs et les chefs du groupe d'extrême gauche « Prima Linea », Renato De Maria va bien au-delà d'une simple dénonciations des crimes de leurs actes. « Prima Linea » n'existe plus, les « Brigades rouges » non plus, donc cela n'aurait pas eu beaucoup d'intérêts. Ce film tente en revanche de donner une explication sur la raison qui a conduit, vers la fin des années 60, une partie non négligeable des jeunes de gauche à faire le choix de la lutte armée. Le film commence justement par un monologue de Sergio Segio qui explique, sans justifier ni excuser.

Dans la période dite des « Années de plomb » (définition de la réalisatrice allemande Margarethe von Trotta), il n'y a pas eu que le « terrorisme rouge » mais aussi des attentats à la bombe, commis par l'extrême droite avec la complicité de l'État italien, d'éléments de la police, des services secrets italiens, épaulés, on soupçonne, par les Américains. A l'exception du massacre de la gare de Bologne (2 août 1980), aucune de ces actions meurtrières n'a, à ce jour, un coupable « officiel ».

Les « Années de plomb » commencent justement avec le premier de ces attentats, le 12 décembre 1969 sur la piazza Fontana à Milan. Segio explique donc que pour une partie de la jeunesse italienne, il s'agissait là du début d'un coup d'État pour instaurer en Italie une dictature comme celle qui s'était terminée un peu plus de vingt ans auparavant. Une stratégie pour déstabiliser la démocratie italienne jeune et fragile. Ce qu'on appellera ensuite « stratégie de la tension ».

Sergio Segio et Susanna Ronconi sont admirablement interprétés par Riccardo Scamarcio et Giovanna Mezzogiorno. On est en janvier 1982, Sergio Segio est en train d'organiser l'évasion de Susanna, compagne de vie et de lutte. Pendant la préparation de cette action spectaculaire, qui fera une victime innocente, Segio se souvient des débuts de son engagement, de la rencontre avec Susanna, du déchirement avec des camarades et des amis ainsi qu'avec la famille, bref avec tous ceux qui ne partageaient pas le choix de la lutte armée. Il évoque aussi son premier meurtre. Un film touchant et instructif, qui invite à une réflexion plus sereine sur cette période tragique de l'histoire italienne. Une suggestion qu'il serait grand temps de prendre en compte.

Riccardo Scamarcio (Sergio Segio) dans une scène de La Prima Linea
critique du film La Prima linea