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Publié le mercredi, 5 janvier 2011 à 09h05

Dans la mer, il y a des crocodiles de Fabio Geda

Par Caroline Verhille

Couverture Dans la mer, il y a des crocodiles

A 10 ans ou peut-être 11, Enaiat est emmené au Pakistan par sa mère, qui l’abandonne là pour le sauver d’une mort certaine. Enaiat est un petit garçon afghan. Pour son malheur, il fait partie de l’ethnie des hazaras, haïs par les Pachtounes et les talibans. En 5 ans, il va réussir à traverser l’Asie et une partie de l’Europe pour terminer son « voyage » en Italie où il rencontra l’auteur du livre, Fabio Geda.

Avec ce drôle de titre, que l’on comprend dans les dernières pages, c’est son parcours que l’auteur nous raconte dans une sorte de récit à quatre mains où Enaiat se livre, se remémore cette traversée épuisante, guidé par les questions de Fabio.
Il ne s’agit pas d’une histoire romancée, il n’ y a pas de héros, il n’y a pas d’ignobles trafiquants. Le style est direct, sans fioritures mais pas sans poésie. L’important pour Enaiat, comme il le répète souvent à Fabio, « c’est ce qu’il se passe ». Le jugement sur les actions des gens est absent de son récit, parce qu’il n’a pas sa place dans cette lutte pour la survie.

Sur sa longue route, Enaiat rencontre des enfants des rues, livrés à eux-mêmes dans un Pakistan effrayant et sans pitié. A deux, ils iront vers un Iran fantasmé où ils travailleront dans un chantier pour rien du tout, d’expulsion en expulsion avant le voyage pour la Turquie. Sorte de cauchemar infini, voyage à pieds vers le sommet d’une montagne que seuls quelques un des migrants verront.
Enfin, c’est la Grèce, puis l’Italie, la destination finale, que seuls les plus forts ou les plus chanceux atteindront. Mais au bout du compte finalement, une note d’espoir, qui ne condamne pas le monde à n’être que souffrance et injustice.

Enaiat est adulte maintenant mais ce périple, de ses 10 à 15 ans, est l’histoire d’un enfant. Le regard porté sur ce qu’il vit est donc celui d’un enfant, avec son lot de légèreté et de drôlerie parfois, qui aurait été difficilement concevable avec le récit d’un adulte. Je n’ai pu m’empêcher de penser, en lisant l’histoire d’Enaiat, au livre de Jonathan Safran Foer « Extrêmement fort et incroyablement près  » . Étrangement, ce livre parlait d’un petit garçon qui a perdu son père dans les attentats du 11 septembre et si j’ose faire le parallèle, c’est à mon sens au niveau du style, et de l’absurdité du monde à laquelle font face, chacun à leur manière, ces deux enfants.

Comme le disait une actrice dans un film que j’aime beaucoup, à la lecture de « Dans la mer il y a des crocodiles » on se met aussi à penser que « décidément, seuls les étrangers mériteraient vraiment d’être français (ou italiens, anglais, allemands...) ».

Interview de l'auteur

Informations pratiques
Dans la mer, il y a des crocodiles
Auteur : Fabio Geda
Éditeur : Liana Levi
Traducteur : Samuel Sfez
Prix : 15 €
Parution : janvier 2011