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Publié le mercredi, 2 janvier 2013 à 08h20

Ciel de plomb

Par Emilie Voisin

Le grotesque et l’absurde - qui caractériseront tout le film - entrent en scène immédiatement, sous les traits d’un homme (un peu bizarre) qui raconte des anecdotes (un peu bizarres elles-aussi) aux personnes qui attendent leur tour à La Poste. Il réussit à créer suspense et attente autour d’une histoire…

Flashback dans la Palerme des années 70 (plus précisément dans une banlieue sale et pauvre) où vit la famille Ciraulo: Nicola, le père (Toni Servillo en très grande forme, toujours très juste, même dans sa façon de marcher), la mère, les grands-parents et les deux enfants (un ado, Tancredi et une petite fille, Serenella). Ils vivent chichement, de petits expédients : les hommes du clan allant dans des lieux désaffectés pour récupérer de la ferraille et la revendre.

La seule joie au tableau semble être la présence de la petite Serenella, « la préférée» de la famille mais qui disparaît bien vite : victime d’un règlement de comptes, elle meurt d’une balle perdue.

La famille entend dire qu’elle peut prétendre à un dédommagement en tant que victime de la Mafia… S’imaginant déjà riches, les Ciraulo dépensent et s’endettent.

Mais l’argent peine à arriver : c’est connu, les voies de la bureaucratie italienne sont impénétrables ! Et Ciprì le montre (il s’en donne un cœur joie !) à travers une série de situations cocasses qui font basculer, doucement mais sûrement, le film du grotesque au « glauque ».

Quand finalement le pactole tant espéré arrive, il se révèle être en deçà des prévisions. N’ayant même plus les moyens de se sortir de la misère, Nicola, qui veut se prendre pour « le Dio di Palermo » préfère investir dans une voiture ! Un modèle dernier cri qui se révèlera l’instrument de leur perte. Du glauque on passera au monstrueux…

Ce film s’inscrit dans la pure tradition des films tragi-comiques italiens : comment caricaturer le réel pour le rendre encore plus vrai et en exprimer les travers.

Ciprì inventent personnages farfelus, scènes grotesques, trouvailles visuelles géniales pour évoquer la misère sociale et intellectuelle qui atteint son paroxysme à la fin du film.

Une histoire d’une monstruosité rare, noire comme les magnifiques cieux de plomb (prix de la meilleure photographie à la Mostra) qui semblent peser sur les personnages, sur nous-même…

film de daniele cipri avec toni servillo, mon pere va me tuer
Critique du film Mon père va me tuer