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Publié le mercredi, 16 octobre 2013 à 08h49

Voir Palerme et mourir

Par Emilie Voisin

Aller au cinéma, s’assoir dans une salle obscure et voir un film… avec ses oreilles ! Le couple de réalisateurs italiens a réussi le pari de donner aux sons et aux bruits une place prépondérante ; de faire vivre au spectateur l’expérience de cécité, qui touche Rita, une jeune fille dont le frère est assassiné par Salvo (le protagoniste qui donne son titre au film).

Une sombre histoire de règlements de compte mafieux que l’on écoute plus que l’on ne voit: vrombissements de moteurs, crissements de pneus de voiture, coups de feu, bruits de lutte… Le spectateur comme Rita perçoit la violente réalité palermitaine à travers son ouïe.

Ce premier long-métrage est avare de mots, d’explications mais riche de sensations, de métaphores et de paradoxes.

Les bruits compensent le mutisme de Salvo, tueur à gages qui vit sans vivre: enfermé entre les quatre murs d’une pensione clandestine, il ne sort que pour tuer, ne parle (presque) pas, ne sourit pas, ne mange pas.

D’ailleurs le goût de la nourriture lui revient alors qu’il ré-apprend à vivre – ce sera le seul conseil paternel du boss du clan : « mange, mange, car toi, tu es en vie ». Salvo enferme et cache Rita dans une usine désaffectée (elle est le seul témoin du meurtre) et c’est à son contact qu’il s’humanise.

Et, paradoxalement, c’est en retenant Rita prisonnière, qu’il l’ouvre au monde. Suite au choc de l’assassinat de son frère, elle retrouve peu à peu la vue : elle qui a toujours vécu de manière claustrophobique, elle refuse d’abord ce miracle et s’obstine dans l’obscurité mais c’est Salvo qui la pousse – et se pousse lui-même – à accueillir la lumière, la vie et la liberté.

La situation dramatique qui les a réunis ne prévoit évidemment pas un happy end mais un lien s’est tissé et cette rencontre qui aurait pu être banale, dans ce contexte dur et oppressant, suffit à bouleverser les vies de Salvo et Rita et c’est cela qui compte, pas l’avenir. En tout cas pas à Palerme.

film de fabio grassadonia et antonio piazza, salvo
Critique du film Salvo