Traverser les ténèbres, roman de Helena Janeczek

Par Stefano Palombari

C'est avec le retour aux sources des ténèbres que se clôt ce très beau roman autobiographique. Une conclusion aux allures de nouveau départ. Helena accompagne sa mère à Auschwitz. Un voyage de groupe avec d'autres rescapés. La mère d'Helena y a laissé toute sa famille.

Comment raconter l'horreur absolue ? la mère n'a jamais vraiment parlé à sa fille de cette épreuve. Son père non plus, lui aussi rescapé, décédé depuis quelques temps. Mais cette terrible expérience est là, toujours présente. Elle empreigne leur relation, forte et difficile à vivre.

C'est dans les échanges, très compliqués, avec sa mère qu'a lieu la « leçon de ténèbres » du titre (italien). L'attitude autoritaire, capricieuse, jalouse de celle qui « a eu la chance » de revenir du massacre est un aperçu sur l’inénarrable.

Le voyage à Auschwitz est aussi l'occasion de retourner sur les lieux d'une enfance marquée par le drame. Une enfance associée inéluctablement à la souffrance. Mais avant Auschwitz, il y a eu une vie. Il y a eu des vivants qui ne sont pas tous morts « en passant par la cheminée ». D'où l'émotion de la mère à la vue de la tombe de son grand-père, un homme à qui elle n'était pas particulièrement liée.

Traverser les ténèbres est un roman sur le passé tout en étant très actuel. Tout au long de la narration, Helena Janeczek n'arrête pas d'évoquer ses déboires, et par extension ceux de beaucoup d'autres, pour obtenir un permis de séjour. Helena est une vraie Européenne : D'origine polonaise, née en Allemagne, mariée à un Italien avec qui elle vit à Milan depuis plus de trente ans.