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Publié le lundi, 7 juin 2021 à 09h48

Ressortie : La fille à la valise, Claudia Cardinale en héroïne tragique.

Par Amélie Ravaut

Claudia Cardinale dans une scène du film La Fille à la valise

Le film de Valerio Zurlini, La ragazza con la valigia, réalisé en 1961, ressort au cinéma à partir du mercredi 09 juin 2021 dans une version restaurée 4K. Claudia Cardinale, qui joue ici le rôle principal, celui d’Aida, y trouve son premier grand rôle tandis que Zurlini collabore pour la première fois avec celui qui deviendra son acteur fétiche, le tout jeune Jacques Perrin.

Sélectionné en compétition officielle à Cannes l’année de sa sortie, La fille à la valise assure à Zurlini une belle reconnaissance critique et publique, déjà amorcée avec Eté violent (Estate violenta, 1959) son précédent film, puis confirmée avec Journal intime (Cronaca familiare, 1962). Ces trois œuvres se rejoignent autour d’une certaine âpreté, une forme d’amertume face à l’existence que développera plus encore le réalisateur dans ses films suivants, notamment Le Professeur (La prima notte di quiete, 1972).

Les premières scènes laissent planer un doute enthousiasmant quand au registre et à la tonalité du film. Le spectateur, qui pourrait s’attendre à une romance entre une jeune femme du peuple et un adolescent de bonne famille à la vue du casting, sera bien surpris par la tournure dramatique voire tragique des situations que va rencontrer Aida. Abandonnée avec son énorme valise pour seul bien par un jeune homme frivole, Aida part à sa recherche. Prévenu de son arrivée à Parme, l’homme en question demande à son frère cadet, Lorenzo, 16 ans, de l’éloigner sans lui avouer leur lien de parenté. Mais Lorenzo, charmé par sa beauté, sa spontanéité et touché par sa triste histoire, se rapproche de plus en plus d’elle et entrevoit les conditions dans lesquelles elle vit.

Jacques Perrin, avec son visage angélique (filmé à plusieurs reprises en plan rapproché dans des moments silencieux, avec ses micro-changements d’expression, un voile qui passe soudain dans le regard) propose un jeu tout en candeur et retenue, qui traduit subtilement le gouffre qui le sépare d’Aida. Claudia Cardinale, filmée quand à elle dans l’énergie de la parole, sa beauté associée à plusieurs reprises à des statues, incarne cette femme indépendante qui lutte pour gagner sa vie, un peu naïve dans ses rencontres, malheureuse des attentes masculines. La solitude de l’étudiant ingénu et celle de la fille du peuple se rejoignent dans une Parme alanguie par l’été, très peu visible dans le film, la majorité des scènes se déroulant soit en intérieurs soit dans des espaces de passage, comme des rues, des espaces périphériques ou des quais de gare. Il est intéressant de noter à ce titre comment la scénographie, les cadrages, voire les costumes et accessoires traduisent la manière dont Aida est sans cesse repoussée hors des espaces dirigés par les hommes et le pouvoir.

Au fur et à mesure des scènes, l’étau se resserre autour du duo confronté aux mensonges, aux apparences, à la réalité triviale des conditions sociales et des mœurs, à la brutalité des échanges. La conclusion du film, cruelle et tout à la fois prévisible, achève de conférer à Aida sa dimension d’héroïne tragique et, en même temps, révèle une destinée tellement familière.

Informations pratiques
  • Dans les cinémas à partir du 9 juin 22021