Publié le mercredi, 26 mars 2014 à 09h00
Le périph' à l'italienne
Le GRA, le Grande Raccordo Anulare, l’équivalent du boulevard périphérique parisien à Rome. Sacro GRA, un film documentaire sur les 70km de cette route comparée à l’anneau de Saturne. Un monde entier à elle toute seule qui a valu un Lion d’Or à la Mostra de Venise à Gianfranco Rosi, déjà (re)connu pour ses quatre autres documentaires.
C’est aux marges, aux marginaux qu’il s’intéresse, à tout ce qui se passe au « hors champ» : ce n’est donc pas le centre de Rome qu’il filme, mais le GRA, la périphérie et tous les instants de vie, les personnes qui y évoluent...
Et pour cela Gianfranco Rosi travaille seul, en immersion totale, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. D’abord sans caméra, il passe du temps avec des personnes rencontrées au hasard, il découvre des histoires, noue des liens et ce n’est que plus tard que ces personnes deviendront des « personnages » sous l’œil de la caméra : une fois que le réalisateur aura trouvé le bon angle, la bonne lumière, la juste distance.
Rosi condense ces longs et nombreux moments de découverte, d’intimité puis d’amitié même dans les quelques minutes que nous verrons à l’écran.
Des scènes du quotidien, sans importance peut-être, mais que le regard bienveillant, patient, toujours aiguisé et pertinent de Rosi élève au rang de l’universel, de l’humanité. On suit sept personnages qui de manière récurrente se mêleront à d’autres épisodes de vie, drôles, dramatiques, étranges ou tendres : le botaniste obsédé par des insectes qui dévorent les palmiers de l’intérieur ; le pêcheur d’anguilles à l’humour et à la verve très « romaine » ; l’ambulancier touchant de solitude et de compassion ; le couple improbable mais attachant d’un père et d’une fille, aux réflexions peu communes.
Le GRA devient alors une excuse, un prétexte : il disparaît peu à peu, devient flou, comme Rome qui pourrait être n’importe quelle autre ville. Ce qui compte pour Gianfranco Rosi, ce sont ces rencontres, ces "attimi di vita" ("moments de vie") qui l’ont touché et c’est cela que l’on voit à l’écran : des émotions, des sensations d’un cinéma d’instinct, d’un cinéma de cœur.