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Publié le mercredi, 21 octobre 2020 à 09h34

Michel Ange, du tumulte du monde au silence du marbre.

Par Amélie Ravaut

Une scène du film Michel Ange d'Andreï Konchalovsky

Mercredi 21 octobre 2020, sort au cinéma le dernier film du réalisateur russe Andreï Konchalovsky, Il Peccato, tourné en langue italienne et consacré à Michel Ange. Après de longues années de recherche et d’entretien avec des spécialistes, le cinéaste nous offre le spectacle, minutieux et soucieux d’exactitude historique, d’un artiste au travail et en quête de sens. Konchalovsky filme l’Italie de la Renaissance (essentiellement Florence, Rome et Carrare), sa papauté, ses familles rivales, ses artistes sculpteurs et leurs ateliers, ses commerçants, ses prostituées et mendiants. Il dit avoir voulu construire le film comme une « vision », « un genre populaire à la fin du Moyen-âge auquel appartient La Divine Comédie de Dante ». De Dante, il en est en effet question tout au long du film, Michel Ange cherchant des réponses à ses tourments et l’inspiration auprès de son esprit créateur.

L’action se situe donc au début du XVIème siècle. Michel Ange achève le plafond de la Chapelle Sixtine quand son commanditaire, le Pape Jules II, issu de la famille Della Rovere, meurt. Il doit alors réaliser son tombeau mais le Pape qui lui succède, Léon X, de la famille rivale des Médicis, lui intime l’ordre de se consacrer à un autre projet : la façade de la Basilique San Lorenzo. Pris au piège entre sa loyauté et le pouvoir actuel, soucieux de garder les faveurs des deux familles, mais aussi d’achever ses œuvres et trouver le plus beau marbre, Michel Ange parcourt l’Italie en proie à des demandes et des menaces de plus en plus pressantes qui le détournent de son art.

Cette « vision » s’apparente, pour la majeure partie des scènes, a quelque chose d’assez cauchemardesque, nocturne, inquiétant et violent. Le réalisateur ne dissimule rien de la réalité historique de l’époque : la brutalité des rapports sociaux, la vulgarité du pouvoir mal employé, les vêtements sales et les maladies, les immondices jetées dans les rues depuis les fenêtres, la pauvreté intolérable. L’acteur romain Alberto Testone incarne un Michel Ange au visage buriné et anguleux, aux cheveux hirsutes, au corps nerveux et agité, traversé d’images hallucinées dignes des tourments du génie et/ou du fou.

Les scènes tournées à Carrare, d’où sont extraits les blocs de marbre, apportent une pause plus solaire et des paysages à perte de vue, d’autant plus que dans ces scènes, Michel Ange est accompagné d’ouvriers. L’artiste et ses hommes vont tenter l’impossible : descendre par la route « le monstre », c’est-à-dire, le plus gros bloc de marbre jamais transporté. Le génie de Michel Ange a gagné l’esprit des autres.

C’est proche de Carrare que se déroule la dernière partie du film. Ces dernières minutes conjuguent et concentrent la violence la plus féroce et la plus simple des grâces dans un mouvement tellement inattendu puis pur, qu’il en devient saisissant. La filiation avec le cinéaste russe, exilé en Italie, Andreï Tarkovski, avec lequel il avait écrit le scénario d’Andreï Roublev (1966), prend tout son sens quand résonne la Messe de Requiem de Verdi. Celle-là même qui clôturait Nostalghia (Tarkovski, 1983) et où, là aussi, un homme, dans le tumulte du monde, nous offre un silence qui en révèle le sens.

Informations pratiques

Au cinéma dès le 21 octobre 2020

Jeu-concours des places à gagner réservé aux abonnés à notre lettre
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