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Publié le lundi, 10 février 2020 à 11h06

Métamorphoses, d’après Ovide. Mise en scène de Luca Giacomoni

Par Vega Partesotti

Une scène de Métamorphoses de Luca Giacomoni - photo Cha Gonzalez

Arachné, Io, Écho, Daphné… les protagonistes féminines des mythes grecs auxquels s’inspira Ovide pour composer ses “Métamorphoses” ont toutes un destin tragique, achevé par leur transformation en bête, plante ou pierre. Dans leurs vies brisées et dans leurs transformations on peut voir le reflet des violences que encore aujourd’hui les femmes rencontrent partout dans le monde, d’autant plus quand elles sont en situation de fragilité et d’isolement.

Le metteur en scène italien Luca Giacomoni, passé par l’école de Jacques Lecoq et le Théâtre du Soleil, a choisi les héroïnes du poème d’Ovide pour créer un spectacle entièrement au féminin. Renouant avec une pratique déjà établie dans son précédent spectacle, Iliade, pour lequel il avait travaillé avec les détenus du centre pénitentiaire de Meaux, Giacomoni a impliqué des personnes jusqu’à là éloignée du monde du théâtre. Pour les Métamorphoses, il a fait monter sur le plateau pour la première fois dans leur vie trois femmes rencontrées lors des ateliers de théâtre qu’il a mené à la Maison des Femmes de Saint-Denis (Diariatou Basse, Hadassah Njengue et Sylvie Tojba) aux cotés de quatre comédiennes professionnelles (Léna Dangreaux, Clémence Josseau, Laëtitia Eïdo, Eugénie De Mey, Claire Trouilloud). “Je cherchais des personnes qui pouvaient porter avec sincérité les propos qui se cachent dans les mythes racontés par Ovide” affirme le metteur en scène. “Je crois au pouvoir cathartique du théâtre, et j’espère qu’à travers ce travail elle puissent retrouver une forme d’équilibre”.

Motivées par leur sentiment de familiarité avec l’imaginaire d’Ovide, et en testant avec intérêt le pouvoir agrégateur de l’assemblée théâtrale, ces femmes montrent une fois de plus la valeur transculturelle des histoires qu’elles portent sur la scène. “Travailler ces mythes avec des femmes victimes de violences permet d’en comprendre toute la portée”, déclare encore Luca Giacomoni, “car sentir son corps dur et insensible, parfois creux, comme du bois, voilà la transformation que connaissent certaines femmes abusées. » En questionnant « les dynamiques de la violence et des systèmes de domination » d’aujourd’hui, cette adaptation du poème d’Ovide souhaite « donner à voir l’invisible et (…) faire entendre des voix qui passent habituellement sous silence ».

Fondée par le docteur Ghada Hatem en 2016, La Maison des Femmes est une structure située à proximité de l’hôpital Delafontaine pour faire face aux nombreux problèmes sanitaires, psychologiques et judiciaires qui rencontrent beaucoup des femmes à Saint-Denis: violences conjugales, grossesses non souhaitées, excisions, exil, traumatismes divers… Ici, dans un cadre apaisant et bienveillant, elles sont accueillie en journée par une vingtaine de professionnels, gynécologues, sages-femmes, psychologues, avocats, qui cherchent à combler les manques du système envers ces “invisibles”.

“J’ai traversé la terre sans pouvoir dénoncer ma douleur ni mon sort” dit Io, violée par Zeus/Jupiter, qui la transforme en génisse pour la soustraire à la jalousie de sa femme Hera/Junon: outre aux soins médicaux, c’est précisément un espace de parole et d’écoute que offre la Maison des Femmes. Une parole enfin libérée qui trouve un écho dans les mythes racontés par Ovide.

Informations pratiques
  • Théâtre de la Tempête
  • Cartoucherie, Route Du Champ de Manoeuvre - 75012 Paris.
  • Au théâtre de la Tempête jusqu’au 14 février