Publié le mercredi, 5 février 2014 à 08h30
L’illusion de vivre
Le réalisateur Roberto Andò adapte son propre roman « Le trône vide » à l’écran avec « Viva la libertà » ». Il signe un film très théâtral sur les thèmes du double, de l’identité et des intrigues politiques.
On suit les vicissitudes de Giovanni, un homme politique (et de son parti) en crise, remis en question par ses pairs. Un homme qui doute de lui-même, de sa vocation et qui choisit de disparaître. Entre alors en scène son « double », son jumeau : Enrico, philosophe fantasque qui sort de l’hôpital psychiatrique et qui est censé le remplacer à la tête du parti.
Toni Servillo (qui incarne les jumeaux) entraîne alors le spectateur dans un joyeux bal de masques : il passe d’un personnage et d’une personnalité à l’autre avec brio, dans une sorte de jouissance et de volupté « facio-corporelle » ! Avec Giovanni, il prend un visage fermé, sérieux, triste et mélancolique pour ensuite afficher l’air détendu, léger, fantasque et le regard ironique et pétillant de Enrico.
L’impression de légèreté qui se dégage du film laisse cependant transparaître un mal-être de fond des personnages. Giovanni, devenu apathique et dépressif, retrouve le goût de vivre, en revivant sa passion pour le cinéma : on devine ici une vocation, une route manquée qui le sera peut-être pour toujours. Enrico, diagnostiqué bipolaire ne parvient qu’à être lui-même et à jouir de la vie et des autres qu’en interprétant un rôle qui n’est pas le sien.
Difficulté de vivre, d’aller au bout de ses rêves, d’affronter son passé, de se construire avec et sans les autres : voilà les thèmes que Andò aborde et transpose dans le milieu politique, où s’ajoutent aussi les jeux du pouvoir, la dissimulation et les mensonges.
Et c’est ici que le film pêche un peu dans une caricature un peu simpliste : il suffit à Enrico d’un discours inspiré et inspirant, d’un sourire franc et il conquiert en peu de temps des milliers et milliers d’électeurs ! Les raccourcis sont un peu gros mais quelques scènes truculentes (comme le tango avec la chancelière allemande !) nous les font vite oublier.
Plus le film avance, plus les personnages (re)trouvent leur place et éprouvent une sorte de jubilation dans ce tour de passe-passe. Mais bientôt la réalité semble les rattraper : leur condition est éphémère, ils devraient regagner leur monde, leur ancienne vie…ou pas ? Andò laisse planer le doute et nous n’aurons jamais vraiment su qui est qui…