Publié le mercredi, 19 février 2020 à 14h22
Les nuits de Cabiria de Federico Fellini en version restaurée
A partir du 19 février 2020, trois films de Federico Fellini sont et seront à nouveau visibles sur les écrans, trois films des années 50, les débuts de sa carrière cinématographique, marquée par l’empreinte du néoréalisme.
Les nuits de Cabiria ressort en salles le 19 février 2020, en version restaurée, tout comme Les vitelloni (I Vitelloni, 1953). Le cheik blanc (Lo sciecco bianco, 1952) quant à lui, sortira en version « redux » courant mars et ce, grâce au travail de Tamasa distribution. Le notti di Cabiria, sorti originellement en 1957, est réalisé trois ans après La strada et trois ans avant La dolce vita : en une dizaine d’années, Fellini tourne neuf films qui peuvent constituer une première période artistique et stylistique.
Ses débuts de caricaturiste, de scénariste puis d’assistant de Roberto Rossellini (Rome ville ouverte, Roma città aperta 1945) le portent semble-t-il assez naturellement vers le réalisme et les peintures sociales, les petites gens et les marginaux, leur quotidien et difficultés. Il en est ainsi des Nuits de Cabiria.
Mais c’est sans compter sur la truculence du regard de Fellini, la vitalité enfantine de Giulietta Masina, la participation de Pier Paolo Pasolini à l’écriture des dialogues et la galerie de personnages secondaires pour faire de ce film tout à la fois un drame d’une grande douceur et une comédie d’une profonde ambigüité.
Cabiria est une prostituée romaine fière de son indépendance (elle possède une petite maison et quelques économies, ne dépend d’aucun homme pour son « activité »), au ton gouailleur, déterminée et pleine d’ambition. Qu’importe si son amant a tenté de la noyer pour lui voler son sac à main. Qu’importe si on abuse de sa crédulité. Cabiria croit en l’amour, croit en ses rêves, veut changer de vie, s’élever de sa condition. Fellini sait tirer parti de son actrice et sait tirer profit des contrastes.
La candeur du visage de Masina, déjà évocateur et stupéfiant dans La strada, entre en collision avec son parler argotique, sa démarche un peu gauche avec les tenues que le réalisateur a imaginé pour elle, évoquant une sorte de petite poule agitée. La rudesse de la vie de Cabiria, égale à celle de ses amies prostituées, la cruauté dont font preuve certains hommes à son égard, n’entament pas le chemin qu’elle s’est fixé : rencontrer un homme qu’elle aimera et qui l’aimera en retour et, ensemble, prendre un nouveau départ. Cet homme, elle le rencontrera et effectivement, il bouleversera sa vie…
Si le cinéma de Fellini n’a ensuite eu de cesse d’osciller entre rêve et réalité, fantasmes et souvenirs, nostalgie et présent, Les nuits de Cabiria, comme une majeure partie des films de cette première période, nous fait passer du rire aux larmes avec cette infinie douceur qui en devient encore plus dramatique. Une soirée compromise dans les beaux quartiers en compagnie d’un acteur de cinéma, la déception de ne pas avoir obtenu de grâce auprès de la Vierge lors d’une procession ou encore être tournée en ridicule sur une scène de spectacle sont autant de péripéties d’un réalisme trivial et d’une candeur poétique où se mêlent violence et onirisme.
Accompagné à l’écriture par Ennio Flaiano et Tullio Pinelli, l’acuité du regard des scénaristes sur le destin des personnages, la finesse des réactions et des échanges, la justesse des situations font de ce film un écrin au propos du réalisateur qui pourrait, certes, sembler conventionnel et déjà dit mille fois. « Même si la vie est difficile, même si on vous met des bâtons dans les roues, il faut continuer d’avancer ». Mais personne ne l’imagine comme Fellini, qui fait sortir des sous-bois une bande de jeunes gens pour partager le chemin d’une Cabiria aux yeux emplis de larmes. Et personne, comme Masina en regard-caméra, nous laisse autant médusés devant la naissance d’un sourire qui, immanquablement, nous accompagnera à son tour.
Informations pratiques
- Sortie nationale à partir du 19 février 2020