Les Fleurs du Karma de Tommaso Pincio

Par Stefano Palombari

La réalité déçoit. Pas facile de la façonner comme on veut. Tout n’est pas possible, malgré des velléités démesurées. La fuite reste la seule solution, au sens propre comme au figuré. Et c’est la fuite, ou plutôt, les fuites, le fil rouge qui court tout au long de ce roman de Tommaso Pincio, sorti en Italie voilà 8 ans, qui vient de paraître en France aux éditions Asphalte. Il y a deux ans, la même maison d’éditions avait publié, son dernier roman, Cinacittà.

Tous les personnages de ce livre sont, chacun à leur façon, des fugitifs. Tout particulièrement les deux personnages principaux, Kinky et son fils. Kinky Baboosian fuit à 16 ans l’asphyxie sentimentale d’une famille petit bourgeoise, formée sur un malentendu. Son fils, Zxyz, l’enfant sans père, sans nom, et sans numéro de sécurité social... un enfant fantôme, conscient de son triste sort de son plus jeune âge. Le petit Buddha boudeur, c’est ainsi qu’on appelait dans la communauté hippie où vivait sa mère. La sienne est plutôt une fuite sédentaire, si l’on me passe l’oxymore.

On est dans les années Soixante. Par un concours de circonstances, Kinky se laisse entraîner dans le monde parallèle, créé par ceux qui s’opposaient aux règles et aux coutumes bourgeoises. A défaut de pouvoir modifier le réel, les jeunes révoltés de l’époque, se renferment dans des communautés où les grands discours, l’amour libre et le LSD, vont bon train.

Face à ce flou généralisé, pour certains, la seule solution c’est de s’armer d’une logique implacable, mathématique. On dissèque, on sépare, on catalogue… et, comme un démiurge, on réorganise tout selon un ordre rigide et immuable. En jonglant entre rêve et réalité, Tommaso Pincio plonge le lecteur dans un univers inquiétant et dangereusement poussiéreux. Une lecture absolument captivante.