Publié le mercredi, 28 novembre 2012 à 09h00
La fin justifie les moyens...?
« La fin justifie les moyens », «car la force est juste quand elle est nécessaire ». Ces phrases écrites par l’italien Niccolo’ Machiavelli, il y a plusieurs siècles, résonnent étrangement et cruellement lorsque l’on sort du dernier film de Marco Tullio Giordana, qui retrace à travers un épisode (l’attentat de la Banque Nationale de l’Agriculture le 12 décembre 1969), une des périodes les plus sombres mais aussi confuses de l’histoire contemporaine italienne.
En partant de ce cas resté irrésolu (l’enquête continue, personne n’a été déclaré coupable), le réalisateur dépeint une Italie en proie à la pression internationale du bloc communiste d’un côté et de l’OTAN de l’autre, qui se répercute sur une grande instabilité intérieure : les extrêmes de gauche (communistes, anarchistes) et de droite (fascistes) s’affrontant et créant le désordre et, au milieu, une Democrazia Cristiana, trop faible pour gouverner.
Pendant deux heures, posément, avec méthode et minutie (tout le contraire de l’enquête ou plutôt devrait-on dire de la « non-enquête » menée), Giordana reconstruit toutes les pistes, tous les retournements de situations. On se retrouve donc vite pris, voire même submergés par un enchevêtrement de liens politiques, amicaux, de groupuscules, d’infiltrés, de traîtres et de trahis, de factions au sein du même gouvernement, de complots… Bref, une masse invraisemblable de données qui finissent par s’embrouiller et s’annuler les unes les autres.
Mais une constatation s’impose pourtant : comment un État et sa haute administration s’emploient à créer un trou noir, en faisant table rase de cet attentat (et d’autres qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de personnes) afin de préserver la raison d’État et l’ordre établi… quitte à privilégier une « droite dure » contre le fameux « danger communiste ».
Le réalisateur de Nos meilleures années signe une nouvelle fois une fresque historique, un film hautement politique mais très humain aussi. Il nous fait revivre l’histoire avec un grand « H » à travers le prisme d’individus, de leur vie privée, de leurs convictions, de leurs faiblesses aussi. On s’attache aux personnages de Valerio Mastrandrea et Pier Francesco Favino, protagonistes malgré eux, écrasés par le « système » ; leur justesse et leur sobriété s’accordent avec celles de tous les autres nombreux acteurs qui participent à cette grande œuvre chorale.
Au final, seuls règnent une désinformation totale, un brouillard épais et une grande confusion, qu’admet et déplore M.T. Giordana. Et c’est là qu’il revendique le rôle didactique du metteur en scène : sensibiliser le public, en mettant en images, sous les projecteurs, un événement aussi trouble et controversé, qui a eu lieu il y a à peine cinquante ans…