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Publié le samedi, 23 mai 2020 à 12h35

La disparition de ma mère du cinéaste Beniamino Barrese #ICCinémaChezVous

Par Amélie Ravaut

La disparition de ma mère - affiche

Cette semaine à nouveau, dans le cadre de la programmation en ligne #ICCinémaChezVous, l’Institut culturel italien de Paris propose la mise en ligne gratuite d’un documentaire. Projeté en novembre dernier, La disparition de ma mère du cinéaste Beniamino Barrese, réalisé en 2019, filme les échanges de celui-ci avec sa mère, l’ancien mannequin et féministe Benedetta Barzini.

C’est sous la forme d’un portrait en creux qu’apparaît Benedetta, aujourd’hui âgée de 75 ans puisque, après avoir passé une partie de sa vie sous l’œil de l’objectif, elle souhaite désormais « disparaitre ». Prix du jury du dernier festival Annecy cinéma italien, La scomparsa di mia madre, montre les échanges parfois difficiles d’un fils qui s’approche au plus près de sa mère avant son « départ » on ne sait où.

Comme Barrese le dit lui-même dans sa vidéo de présentation (disponible sur la page Facebook de l’Institut), il s’agit d’un « petit » film. Petit au sens d’intime et délicat. Le regard qu’il pose sur sa mère, qu’il porte à cette femme désormais âgée, est empreint de sobriété et de simplicité, à l’image de son sujet. C’est justement le terme « image » qui est problématique ici.

S’apparentant à un journal filmé, Barrese mêle ses propres images documentaires, de courtes scènes familiales tournées lorsqu’ils étaient plus jeunes, des images d’archives télévisuelles où apparaissent sa mère, des documents iconographiques concernant la carrière de cette dernière mais aussi des essais pour le casting de « celles » qui pourraient incarner, dans ce même documentaire, le rôle de sa mère jeune. Sous ce régime d’images disparates et tissées ensemble, Benedetta apparaît tout en se refusant. Car, paradoxalement, un autre montage se fait sous nos yeux, bien plus révélateur : il s’agit de son appartement (lieu intime par excellence) et surtout de ses murs emplis de photographies, images, dessins, reproductions, etc. et qui juxtaposent le temps, les expériences, la vie de celle qui l’a vécue.

Il y a quelque chose de très noble et salutaire dans la volonté de Benedetta de s’effacer de ce monde mais aussi une dimension dramatiquement cruelle. D’avoir été trop « regardée », elle n’a jamais été véritablement entendue. Les photographies sont figées et ne parlent pas. Les images filmées sont trompeuses et inversent la ligne du temps. La disparition de ma mère est aussi un film sur la vieillesse, sur la vieillesse d’une femme qui plus est, c’est chose rare. S’offrir à soi-même le temps qu’il reste à vivre, notre propre temps, est un luxe qu’il convient de ne pas gâcher, de ne pas corrompre en actes, paroles et regards superflus et futiles.

Les scènes où l’on voit Benedetta donner cours, essentiellement à de jeunes femmes, au sujet du regard porté sur la femme et son rôle (construction culturelle, politique et patriarcale) s’entrechoquent à celles de la Fashion week londonienne où elle est invitée à défiler et demeure essentiellement silencieuse et passive, en « représentation ». Elle le dit d’ailleurs en préambule : de toutes les photographies qu’on a pu prendre d’elle, jamais personne n’a réussi atteindre ce qu’elle est.

En plus du couple « montrer/voir », il y a celui du « dire/entendre » et il est très émouvant d’assister à ce moment où le réalisateur accepte et la disparition et le silence. Une gageure pour un cinéaste, mais pas pour un fils.

Informations pratiques

Pour pouvoir accéder au film en streaming, qui sera disponible du dimanche 24 mai 15h et pour une durée de trois jours, il vous faudra préalablement vous inscrire auprès de l’Institut avant le dimanche 24 mai 12h. Toutes les informations sont disponibles au lien suivant : https://iicparigi.esteri.it/iic_parigi/fr/gli_eventi/calendario/2020/05/iiccinemachezvous-la-scomparsa.html