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Publié le dimanche, 29 janvier 2023 à 14h34

Interdit aux chiens et aux Italiens. Entre hommage et transmission

Par Antonella Attanasio

Cesira et Luigi dans le film d'animation d'Alain Ughetto

Il y a deux désirs dans le film d’Alain Ughetto sorti en salle mercredi dernier. Il y a le désir de souvenir, de parcourir ses mémoires d’enfance en quête de reconstruction de son histoire familiale et personnelle. Et il y a le désir de transmission, qui s’adresse surtout aux plus jeunes d’entre nous, transmission d’un monde et d’une vision de la vie qu’ils ne pourraient autrement connaître. À voir ce qu’ils en feront…

Interdit aux chiens et aux italiens raconte l’histoire de la famille Ughetto, vivant dans un village du nord de l’Italie, « à l’ombre du Mont Viso ». Les difficultés dues au manque de travail et à la vie statique du village, subissant la dictature du froid et d’une religion superstitieuse, poussent Cesira, Luigi et leurs enfants à rêver d’une vie moins dure, en Amérique d’abord, puis, presque par hasard, en France.

L’évolution naturelle des Piémontais de l’époque vers les mines et les chantiers français est racontée par le biais d’un dialogue imaginaire entre les personnages et Alain Ughetto lui-même, qui déploie ses capacités manuelles en dépit de l’avertissement prononcé par Luigi d’apprendre à travailler « avec sa tête et pas avec les mains ».
Mais elle ressort surtout à travers l’humour délicat de la narration de Cesira, grand-mère du réalisateur, capable d’étaler un voile de légèreté aussi simple que tendre sur une histoire pour le reste abominable.

Le récit familial fait de pertes douloureuses et de volonté de construction se profile alors sur le fond de l’Histoire du début du XX siècle, entre deux guerres, la misère, la grippe espagnole, le manque d’alternative sinon celle de quitter l’Italie: pour un jour, peut-être, la retrouver. Retrouver l’Italie est en effet le rêve de Luigi et aussi la problématique du film, à laquelle les derniers mots de Cesira finiront par répondre.

En dépit d’une conclusion un peu brutale, qui interrompe l’histoire et le souvenir d’un pays où le fascisme semble être lui aussi l’évolution naturelle, la force du film est entièrement dans les gestes employés par les personnages en pâte à modeler qui mènent un récit jamais sentimental, mais au fond pourtant triste.

Interdit aux chiens et aux italiens raconte une Italie perdue, faite de coucher de soleils, de gnocchi faits maison, d’actes de poésie et d’une histoire d’amour à peine murmurée.
Brocolis, châtaignes et farine pour décrire arbres, pierres et montagnes et la douce musique de Nicola Piovani racontent une histoire à la frontière entre deux pays qui se fait frontière entre dimension individuelle et politique.

La dignité des personnages qui n’a rien d’intellectuelle mais que l’on sent authentique peint des Italiens dont le souvenir fait écho aux migrants de toute terre qui arrivent avec le même espoir de survie, la même capacité de souffrir et cet entêtement de bonheur qui caractérisent Cesira et Luigi dans leur aventure française.

Informations pratiques
  • Interdit au chiens et aux Italiens film d'animation d'Alain Ughetto, actuellement au cinéma