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Publié le mercredi, 23 septembre 2020 à 09h17

Il maestro di Vigevano d’Elio Petri ressort au cinéma

Par Amélie Ravaut

Alberto Sordi et Claire Boom dans une scène du film Il maestro di Vigevano d’Elio Petri

Mercredi 23 septembre 2020 sort au cinéma, en version restaurée 4K, le film d’Elio Petri : Il maestro di Vigevano, originellement réalisé en 1963 et adapté du roman de Lucio Mastronardi par Petri et le fameux tandem Age et Scarpelli. L’histoire se déroule à Vigevano, capitale lombarde de la chaussure, en pleine période du boom économique et place, en son centre, l’instituteur Antonio Mombelli (Alberto Sordi) et sa femme Ada (Claire Bloom) en proie aux affres de la société de consommation.

Mombelli ouvre le film ainsi que le récit par sa voix off et une apparition atypique : une contre-plongée totale nous le faisant découvrir littéralement par le dessous de ses semelles. Ses chaussures, en piteux état, sont le signe, dans cette ville de province qui s’est industrialisée rapidement dans ce secteur, de son statut social. Le maître d’école, aussi digne que soit son métier, ne gagne pas suffisamment pour faire vivre sa famille. Sa femme, de plus en plus pressante, ne cesse de lui faire remarquer tout ce qu’ils n’ont pas. Tout ce qu’ils ne « possèdent » pas, eux, comparé aux patrons des usines, aux nouveaux riches, voire même aux ouvriers.

Le couple est en ce sens composé de manière diamétralement opposée : plus l’homme reste figé sur ses principes, plus la femme campe sur ses positions. Mombelli et son ami enseignant suppléant, Nannini, ont tous les deux une haute vision de l’enseignement, de la culture, de la dignité et de l’honneur. Mombelli a une mission sociale et éducative qu’il entend assurer, même s’il n’a pas de quoi bien se chausser. Un fossé se creuse, aussi bien au sein de son couple que dans la société, entre cette vision et la réalité. Ada n’est pas seulement envieuse de ces femmes d’industriels qui se parent de bijoux, de ces biens de consommation qu’elle ne possède pas dans son foyer, elle souhaite une certaine dignité. Et la dignité, désormais, n’est plus inhérente à une intégrité mais à une intégration sociale.

Le regard de Petri sur la société italienne en pleine modernisation et le discours qui en découle sont vraiment intéressants car ils passent essentiellement par le personnage principal auquel Sordi prête ses traits : tantôt poupon, tantôt bouffon, parfois couard, toujours bouleversant de justesse. Ses atermoiements, ses doutes, ses désirs, ses croyances, toute sa psychologie en un mot, transmet les sentiments contradictoires d’un homme bon mais esseulé, voulant le bien quand les autres, autour, recherchent les biens.

Très soucieux de réalisme, Petri ne s’aventure qu’à moitié dans la comédie, ou alors par des effets de décalage, proche en cela de ses films politiques à venir et d’une des fameuses comédies dite du boom : Il boom de Vittorio De Sica (aussi en 1963), avec, déjà, un Sordi emporté par la fureur de l’argent et un épilogue glaçant. L’ouverture aérienne du Maestro di Vigevano n’est pas sans faire écho à la clôture de Main basse sur la ville (Le mani sulla città) de Francesco Rosi, réalisé également en 1963 et qui pointait, quant à lui et dans un autre registre, les méfaits de la spéculation immobilière. Ici Petri fait partir sa caméra des cieux pour la diriger jusqu’au sol, même sous le sol, pour marcher dans les pas de cet homme simple.

Informations pratiques

Au cinéma dès le 23 septembre 2020

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