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Publié le mardi, 19 novembre 2019 à 09h54

Il Casanova de Federico Fellini ressort en salles en version restaurée

Par Amélie Ravaut

Donald Sutherland est le Casanova de Fellini

Il Casanova di Fellini ressort en salles, en copie restaurée, le 11 décembre prochain. Tourné en 1976 dans les studios de Cinecittà, Casanova nous revient aujourd’hui, toujours autant crépusculaire et mystérieux, lieu d’une rencontre entre deux monstres italiens. Fellini, qui avait pris pour habitude de dire que L’histoire de ma vie lui était tombé des mains tant il avait détesté l’autobiographie du séducteur vénitien, n’en tire pas moins là un film à la profondeur inquiétante : l’artifice et les miroitements de la lagune répondent au vide existentiel d’automates au visage de cire.

Car le film peut effectivement se lire en reflet, scène d’ouverture/scène finale : l’effervescence d’une Venise en plein Carnaval, avec son lot de feux d’artifice, de lampions, de costumes et de masques, de cris stridents et de rires grotesques ; et cette scène de clôture où la lagune, désormais gelée, accueille la danse mécanique d’un couple désincarné. Entre les deux, donc, les aventures de Giacomo Casanova dans l’Europe du XVIIIème siècle, de son évasion de la prison des Plombs à sa vieillesse recluse dans une bibliothèque déserte en Bohême. Les péripéties rencontrées par le personnage, ses aventures, ses conquêtes, ses nombreuses fonctions, ses voyages, auraient pu donner lieu à l’expression d’une vie tumultueuse, certes décadente, mais riche et intense. Fellini ne l’a pas entendu de la sorte.

On pourrait croire ce film aux antipodes de la veine fellinienne, mais il n’en est rien. De purs moments de désenchantement parcouraient déjà ses précédents films, certes contrebalancés par l’ironie et la poésie. Casanova, un Donald Sutherland quasi méconnaissable ainsi affublé d’un faux nez et d’un front proéminent, raidi dans sa silhouette, déambule dans un univers de faux-semblant sorti tout droit de l’imagination de Danilo Donati et Nino Rota : les décors s’apparentent à ceux d’un théâtre, les costumes créent des trompe-l’œil, les visages maquillés suggèrent des masques et la bande-son rappelle les notes mécaniques des boites à musique. De nombreuses scènes sont nocturnes, d’autres en intérieurs obscurs, les passages en extérieur sont nimbés d’une brume opaque, comme si la figure de Casanova devait rester dans l’ombre, l’écrin de toutes les illusions, entourée d’une gangue, matière du temps.

Voici peut-être où Fellini a voulu nous emmener avec ce film, dans cet espace de la mémoire artificielle, des souvenirs réinventés quand ils font face au vide de l’existence. Alors oui, la lagune en proie à la tempête peut bien n’être qu’un assemblage de sacs en plastique, soulevés par une soufflerie.

Informations pratiques

Dans les salles à partir du 11 décembre 2019