Les tétins de sainte Agathe de Giuseppina Torregrossa

Par Stefano Palombari

L’amour sacré et l’amour profane ont toujours fait bon ménage en Sicile. Sainte Agathe et ses tétins sont une métaphore particulièrement heureuse de la religiosité singulière tachée de sensualité que l’on pratique sur l’île. Rien à voir avec une foi austère, que l’on peut imaginer. Sainte Agathe et son iconographie sont aussi un destin, celui des femmes de la famille Badalamenti.

Agathe Badalamenti parcourt l’histoire de ses ancêtres en s’attardant sur les figures féminines, et en particulier sa grand-mère dont elle a hérité le prénom et la recette des tétins de sainte Agathe, des gâteaux en forme de sein, farcis de ricotta, que l’on prépare pour la Sainte Agathe. La règle veut que l’on en prépare uniquement en nombres pairs et qu’on y pose dessus une petite cerise confite en guise de téton.

Luisa, son arrière grand-mère qui préparait déjà cette spécialité pâtissière, avait séduit son mari par sa forte et belle poitrine. Argument de séduction qu’hériteront toutes les femmes de la famille. Entre plaisir de la chair et du palais, ce roman de Giuseppina Torregrossa est un hymne aux rondeurs. Malheureuses les plates, comme la « femme sans sein » épousé par l’oncle Nittuzzo, qui, heureusement pour elle, compensait son défaut antérieur par un superbe derrière bien rebondi.

Le rapport avec sainte Agathe ne s’arrête pas là. Les femmes Badalamenti, en partagent également son triste sort. Elles ont dû subir un martyre analogue à celui de la sainte de Catane, pour des raisons, bien évidemment, totalement différentes. Même dans la description de l’abîme de la maladie, l’écrivaine sicilienne réussit à garder un ton léger en évitant soigneusement toute tentation d’apitoiement larmoyant. Le talent exceptionnel de Giuseppina Torregrossa lui permet de garder du début à la fin de son texte magnifiquement écrit, fort bien traduit, le même registre drôle et léger sans jamais être superficiel.