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Publié le vendredi, 8 mai 2020 à 09h48

Etre ou ne pas être né dans la mafia

Par Amélie Ravaut

Une scène du film Né dans la mafia

Nouveau rendez-vous cinéma de l’institut culturel italien dans le cadre des projections streaming « IICCinémachezvous ». Ce week-end, du vendredi 8 mai au dimanche 10 mai 2020, les personnes qui se seront inscrites préalablement sur le site (lien ici : https://iicparigi.esteri.it/iicparigi/fr/glieventi/calendario/2020/05/film-nato-a-casal-del-principe.html ) pourront découvrir le film de Bruno Oliviero : Nato a Casal di Principe (Né dans la mafia, 2017). Succès public et critique à sa sortie, présenté à la Mostra de Venise 74ème édition, le film est basé sur des faits réels et, notamment, sur le roman autobiographique d’Amedeo Letizia, qui a également participé à l’écriture du scénario et à la production.

Nato a Casal di Principe met en scène, sur quelques jours, le quotidien ébranlé d’une famille pour retrouver un des jeunes frères, Paolo, enlevé en pleine ville, un soir, par des hommes armés. L’aîné, Amedeo (Alessio Lapice), qui tente de se faire un nom à Rome en tant qu’acteur, revient au village et initie, accompagné d’un cousin et de Leo, son autre frère, une « enquête » pour trouver des indices de cette fameuse soirée. Les allées et venues dans la bourgade « tenue » par une des familles de la Camorra, s’enchainent, avec des pistes bien trop souvent brouillées : les connaissances et habitants qu’ils rencontrent étant le plus souvent contraints à des réponses allusives voire au silence.

Le film met en scène tous ces moments douloureux, tous ces instants de colère et ces rencontres infructueuses avec une grande dignité et un sens de l’ordinaire (sans aucun sens péjoratif) qui confèrent à l’entreprise des trois jeunes gens quelque chose de tragique. La scène d’ouverture, d’ailleurs, fait entendre la voix d’Amedeo réciter le plus célèbre monologue shakespearien. Une des séquences, très réussie visuellement et dramatiquement, se déroule dans les marais où les trois jeunes gens, cachés dans les roseaux, affrontent leur désir de vengeance. Proche esthétiquement de la scène d’assaut final dans La nuit nous appartient de James Gray (We own the night, 2007) elle s’en apparente également dans l’intention. Ici aussi, tout se passe dans le silence le plus total et avec pour seule indication dramatique, les regards échangés. Des regards où alternent le doute, la colère, l’impuissance et le renoncement à venger un membre de sa famille.

Bruno Oliviero, qui reconstitue ici avec sobriété la fin des années 80 (l’enlèvement a lieu en 1989) et prend le parti d’une image aux tonalités du même acabit (des tons gris-bleutés, parfois monochromes) nous plonge dans les méandres des relations humaines et des rencontres en ce qu’elles sont modifiées - pour les citoyens « lambda » - par la crainte des représailles. Comme il l’évoque dans sa vidéo de présentation (visible sur la même page du site de l’institut), le scénario lui tenait à cœur en ce sens qu’il lui permettait de mettre en scène la mafia, non pas vue de l’intérieur et pas, non plus, vue à travers le prisme plus courant de la guerre entre bandes rivales. Le film suit en effet le parcours de personnes « sans problème », avec un sens aigu des comportements intrafamiliaux et sociétaux et retranscrit les différentes « options » prises par cette famille pour affronter la disparition. Le père choisit de s’en remettre à la police, la mère se tourne vers la religion et les croyances plus populaires, les enfants vers leurs propres moyens. Malheureusement, quelque soit le choix pour lequel ils optent, ils ne rencontreront que le silence.