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Publié le jeudi, 28 octobre 2010 à 09h10

Draquila, le nouveau brûlot de Sabina Guzzanti

Par Caroline Verhille

Les premières images du documentaire de Sabina Guzzanti sont saisissantes. Il fait nuit à L’Aquila et le maire de la ville nous guide dans ce qu’il reste du centre historique, devenu fantôme. On ne peut s’empêcher de frissonner devant cette beauté silencieuse qui reste étrangement immobile quand tout autour, la ville semble se reconstruire peu à peu. Comment ?

C’est le scandale que veut dénoncer Draquila. La main mise de la mafia sur la construction de logements neufs, loin du centre dévasté qui est laissé à l’abandon. Les 50 000 habitants, sains et saufs, que l’on force à abandonner leurs logements pour les parquer dans des camps régis par des règles absurdes.

Draquila révèle surtout la toute puissance de la protection civile, qui a pour mission, à l’origine de gérer les premiers secours mais dont le rôle est aujourd’hui totalement démesuré. Parce qu’elle s’occupe également des travaux liés à la prévision et la prévention des risques, elle gère aussi les préparatifs de grands évènements (type G8), et bénéficie d’un statut à part défini par la loi. Son chef a d’ailleurs depuis été mis en examen, il est accusé d’avoir truqué des appels d’offres de travaux publics.

Tout cela ne nous surprend malheureusement pas tant on sait le pays gangréné par la corruption avec à sa tête un homme d’un cynisme sans limites qui profite d’une catastrophe, pour les hommes et pour le patrimoine de son pays, pour se racheter une clientèle électorale.

Non, ce qui interpelle ce sont ces témoignages d’habitants, chassés de chez eux pour être logés dans des hôtels à des kilomètres de là ou relogés dans des meublés sans âme, construits en un temps record et malgré tout reconnaissants. Le Cavaliere « a même laissé une bouteille de mousseux sur la table pour leur souhaiter la bienvenue ». Il est toutefois précisé dans le règlement de ces appartements, qu’on leur prête temporairement, que « tous les objets et ustensiles fournis à leur arrivée doivent bien être laissés dans l’appartement au moment du départ ». La générosité a ses limites mais l’affection de nombreux italiens à l’encontre de Berlusconi semble ne pas en connaitre. C’est cela le plus triste, ces gens simples et sincères qui se croient respectés et que l’on roule dans la farine. Ils sont ses premiers électeurs, c’est le paradoxe de la politique.

Le tableau dépeint dans ce documentaire est évidemment terrible. Pourtant si l’on en sort démoralisé, on n’est au fond pas vraiment outré, ni singulièrement ému par toutes ces révélations. Peut-être parce que Sabina Guzzanti, à la façon d’un Michael Moore, s’adresse à un public déjà acquis à sa cause et que l’on sait déjà plus ou moins tout ce qu’elle va nous raconter, on n’est pas le moins du monde surpris par la surenchère des scandales. Si l’intention est louable, peut-être faudrait-il aller un peu plus en profondeur et épingler tous les coupables d’un système qui perdure depuis bien longtemps sans véritable obstacle sur son chemin.

Une scène du film Draquila
critique du film Draquila