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Publié le samedi, 22 août 2020 à 10h07

Citoyens du monde, dernier film de Gianni Di Gregorio, au cinéma dès le 26 août 2020

Par Amélie Ravaut

Citoyens du monde de Gianni Di Gregorio - affiche

Le nouveau film de Gianni Di Gregorio : Lontano lontano, sortira mercredi prochain, de quoi, la rentrée approchant, prolonger un peu l’été et sa torpeur romaine en la très bonne compagnie de trois retraités italiens en prise avec l’idée un peu folle de s’expatrier. Une idée folle car, pour deux d’entre eux – Le professeur (Di Gregorio) et son ami Giorgetto (Giorgio Colangeli), la vie a toujours été vécue dans ce quartier calme du Trastevere. Malgré tout, par le biais d’une rencontre plus ou moins due au hasard, ils se laissent convaincre par le baroudeur et gouailleur Attilio (Ennio Fantastichini) qu’il serait plus judicieux de couler des jours heureux et moins difficiles (financièrement) dans un pays où le coût de la vie (et d’une bière) serait plus en adéquation avec leurs maigres pensions et retraites.

Sous la forme d’une chronique dont les jours de la semaine s’égrainent à l’écran, nous suivons donc Le professeur et ses deux compagnons dans l’organisation de leur prochain départ : quiproquos, situations cocasses, décalages et répétitions absurdes se mêlent à la réalité de la bureaucratie, à des évènements plus dramatiques et au sentiment de nostalgie. Ces trois hommes sont en effet de bonne foi dans leur désir de changement, mais surtout en proie aux doutes, aux hésitations, aux contradictions. La dimension comique de Lontano, lontano se teinte ainsi de tonalités douces amères, tant du point de vue de la psychologie des personnages que de la situation, réelle, de bon nombre de retraités italiens. Le réalisateur, avec lequel nous avons eu le plaisir de pouvoir échanger, explique l’évolution et la caractérisation de son personnage - récurrent depuis son premier film Le déjeuner du 15 août (Pranzo di Ferragosto, 2008) – comme étant « le noyau central de son travail » : « Je considère Gianni comme un homme simple, commun, facilement comparable à tant d’autres personnes. C’est ma recherche : travailler en profondeur sur la petite vie des gens banals (qui est la plus héroïque et la plus harassante) ».

La recherche du réalisateur a ainsi connu des bouleversements au cours du film et, à un moment donné, dans une sorte de changement de direction scénaristique, cette réalité du quotidien observable a fait effraction, prenant, dans le film, les traits du jeune Abu. Il en parle ainsi : « alors que j’écrivais sur ces trois amis qui rêvent de partir à l’étranger, je m’amusais beaucoup. Mais, dans le même temps, arrivaient ces embarcations pleines de migrants et quasiment chaque jour, on pouvait lire qu’avait eu lieu une nouvelle tragédie en mer. C’était insupportable. J’étais en train de parler de la réalité, mais cette réalité était beaucoup plus forte. Elle est entrée dans le film avec cette urgence dramatique. C’est ainsi qu’est né le personnage d’Abu (Salih Saasin Khalid), le jeune migrant africain. C’est lui, le vrai voyageur ».

L’idée de voyage, ou en tout cas, de déplacement, de mise en mouvement, de circularité est très palpable dans le film, tout aussi bien du point de vue du scénario que de la mise en scène. Le cadre spatio-temporel dans lequel se déroule le film (Rome et sa banlieue) et les mouvements de caméra ainsi que les zooms attestent de cette volonté de lier propos et esthétique filmique. Ce quartier romain dans lequel Le professeur et Giorgetto ont leurs habitudes et connaissances est néanmoins, selon le réalisateur, le lieu de nombreuses rencontres, un véritable microcosme sociétal. Il s’explique ainsi : « l’immobilité et le mouvement ne concernent pas seulement mon cinéma, mais aussi ma vie. Je vis dans la maison dans laquelle je suis né, celle de mes parents. Dans le Trastevere, quartier enchanté duquel je ne parviens pas à m’extraire, ni physiquement, ni dans mon cinéma. Ca a été à la fois un privilège et une condamnation. La nuit, je pense à Stevenson et à ses histoires. Je rêve alors de faire un film sur un brigand qui traverse les Mers du Sud mais le matin je me retrouve à aller au bar habituel. Par chance, il y vient tant de personnes ; sans me déplacer, je peux communiquer et continuer ma recherche sur l’humain. Ce petit espace immobile ne suscite pas la claustrophobie, il est dynamique, plein de vie et de passions ».

Sur la situation actuelle du cinéma et de la société, Gianni Di Gregorio s’exprime ainsi : « j’ai l’impression que le monde est dans un gigantesque shaker. Au risque de paraître ennuyeux, je pense qu’il faudrait commencer par des petites choses qui permettraient d’enseigner la tolérance et la compréhension d’autrui. Pour cela, il y a la culture, tellement oubliée en ces temps – ci. Le cinéma aura toujours cette fonction, celle de comprendre en avance l’évolution des choses ». Avec ce film, il dit avoir souhaité « essayer de raconter la part bonne de l’homme qui réside en chaque être humain. Mais souvent nous l’oublions ». Citoyens du monde est déjà, un de ces rappels, doux mais nécessaire.

Informations pratiques

Au cinéma dès le 26 août 2020

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