Le monde à ma fenêtre, roman de Cesarina Vighy

Par Stefano Palombari

Z. est malade… d’une maladie mystérieuse, dont on ne sait pas grand-chose, dont on ne se remet pas. Cependant, elle est loin de s’apitoyer sur son sort. Elle continue de vivre, avec tous ses sens, qui ne sont pas que cinq mais bien plus nombreux. Z. y est très attachée, notamment au « sens de l’humour », peut-être le plus précieux, celui qu’il ne faut pas perdre dans ces situations car le seul antidote à l’auto commisération.

Lorsque la maladie prend le dessus, Z. manifeste une curiosité aigue, inépuisable pour le monde extérieur. Pour les autres et pour elle-même. Pour son passé tout d’abord, qu’elle esquisse au lecteur avec beaucoup d’ironie et aucun regret. Si, peut-être un, pour cet enfant illégitime qu’elle a dû sacrifier aux convenances de l’époque.

Les souvenirs, par leur nature, ne sont guère homogènes. Parfois ils ralentissent en s’attardant sur des moments et des personnes parfois ils accélèrent en en touchant à peine d’autres. Quand ils ne sautent pas carrément d’entiers chapitres de la vie. Z. nous offre alors un portrait touchant d’un père tant aimé mais un peu effacé. Mais le vrai personnage principal de sa balade dans le temps est sa mère, une femme despotique et capricieuse.

Le monde à la fenêtre est un roman poignant, sans être larmoyant, où la fiction se mêle à la réalité autobiographique. L’auteur est décédée l’année dernière des suites d’une maladie dégénérative, comme celle dont souffre sa protagoniste. Dans le livre, Z. se dédouble et s’observe de l’extérieur. Elle quitte son corps malade et se raconte, pour se raconter jusqu’au bout. Jusqu’au socratique sacrifice du « coq à Esculape », de la délivrance, qui dans sa déformation ironique devient un « poulet, bien cuit ».