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Publié le mercredi, 5 juin 2013 à 08h15

D'amour et d'acier

Par Emilie Voisin

Il est difficile quand on a lu le livre dont est tiré un film de s’en détacher et de ne pas comparer. Stefano Mordini a adapté le roman à succès Acciaio de Silvia Avallone et en a gardé l’esprit plus que la psychologie.

Là où l’écrivain décrivait, expliquait, le réalisateur marche par ellipses, non-dits ou allusions. On a donc peut-être l’impression d’une trop grande et trop simple succession de scénettes, d’épisodes de la vie quotidienne mais qui finit cependant par donner le tableau d’une Italie ouvrière, populaire, qui vit dans les HLM et va travailler à l’usine et dont le modeste rêve serait de prendre le « traghetto » pour rejoindre l’île d’Elbe juste en face, sorte d’eldorado, comme de "vrais touristes" qui vont en vacances.

La ville de Piombino en Toscane est en bord de mer mais est loin des clichés des « riants villages maritimes » : fortement marquée par les usines, les cheminées aux fumées noires et autres beautés sidérurgiques, le réalisateur la filme presque comme un paysage lunaire où domine l’aciérie Lucchini, qui écrase les jeunes comme les vieux mais offre au moins une perspective de CDI et de salaire misérable mais régulier.

Les deux protagonistes, Anna et Francesca, dont on suit les joies et les tourments de l’adolescence le temps d’un été, sont sublimes de fraîcheur, d’effronterie et de sensualité naissante. Elles incarnent le rêve d’une jeunesse sacrifiée, sans espoirs (après le bac, c’est l’usine), sans horizons (on vit et meurt à Piombino) qui désire s’échapper de pères absents ou violents, de mères présentes mais malheureuses, d’étudier, de voir autre chose.

À travers cette réalité dure et poussiéreuse, c’est aussi l’amour que raconte le réalisateur : entre Anna et son frère Alessio (très beau rapport fraternel empreint à la fois d’ambiguïté et pudeur), entre les couples Anna et Mattia ou encore Alessio et Elena, mais surtout entre les deux meilleures amies, liées envers et contre tout.

film de stefano mordini, d'acier
Critique du film D'acier