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Publié le lundi, 17 avril 2023 à 09h53

Vénus privée – La première enquête de Duca Lamberti de Giorgio Scerbanenco. La naissance du roman noir

Par Murielle Hervé-Morier

Vénus privée - couverture

L’éditeur prévient qu’il s’agit là d’une nouvelle traduction du livre ayant donné naissance au roman noir italien et que l’ouvrage, paru en Italie en 1966, est à lire dans le contexte de l’époque.

Le récit s’ouvre par un prologue où un cycliste découvre à Metanopoli, dans la banlieue de Milan, le cadavre d’une femme qui se serait suicidée. Puis, sans transition, la trame se transporte vers Duca Lamberti, radié de l’ordre des médecins pour avoir pratiqué l’euthanasie sur une patiente en phase terminale. Après avoir purgé trois ans de prison, celui-ci doit se réinsérer. Même s’il est rempli de doutes sur le sens de la vie, devant lui-même réapprendre à marcher droit, son ami, le commissaire Càrrua, va lui demander de servir de béquille à Davide, fils unique du richissime homme d’affaires milanais, Pietro Auseri. Le fils à papa a en effet sombré dans l’alcoolisme. Et tous les efforts déployés par son géniteur en vue de le soustraire de sa dépendance se sont avérés vains ; même un coup de tisonnier dans la tronche n’aura pas suffi à faire entendre raison à ce rejeton récalcitrant… La solution de la dernière chance prendra alors les traits du médecin déchu. Malgré le sort contraire qui s’est acharné sur Lamberti, ce dernier retrouve ses réflexes de soignant et expérimente une méthode toute personnelle pour le sevrage de ce nouveau « patient ».

L’intuition de Lamberti lui fait rapidement cerner l’origine du mal : Davide est en fait consumé par le remords et la culpabilité. Ainsi le jeune homme se ronge-t-il les sangs en raison d’une affaire qui le lie à la « suicidée » du début. La malheureuse qui s’appelait Alberta Radelli exerçait la profession de vendeuse et, quelques jours avant sa mort, elle a eu une relation avec Davide, lequel se croit responsable de sa sombre fin.

Bientôt, le dossier Radelli remonte du troisième sous-sol où il a trop vite été rangé. En dépit des mises en garde de Càrrua, qui le dissuade d’intervenir, ce canard boiteux de Lamberti se sent pousser des ailes. Il est prêt en effet à braver mille périls pour élucider l’affaire. Une mission qu’il compte mener à bien aux côtés de Davide… Duca s’improvise justicier aux méthodes peu orthodoxes et ne reculera devant rien pour affronter la criminalité organisée.

Avec ce roman, Scerbanenco initie donc une série qui a pour personnage principal un médecin peu conventionnel. Comme tout roman noir qui se respecte, les ficelles de l’intrigue de Vénus privée n’ont rien de très subtil. Ce qui, en plus de rendre la lecture fluide et agréable, permet de suivre et même d’anticiper certains rebondissements sans grande difficulté.

Duca Lamberti se présente comme un anti-héros aux prises avec différents problèmes de société, en vogue dans les années 60-70, qui restent toutefois d’actualité et trouvent une terrible résonance en 2023 : patriarcat triomphant, discrimination, féminicide, proxénétisme, qui sous-tendent l’exploitation des femmes par des hommes sans scrupules ayant perdu toute humanité.
Et même si, à l’instar des cafards, les salopards sont impossibles à éradiquer de la surface du globe, le lecteur est convié à méditer sur ces mots empreints d’une grande sagesse : « Chaque fois qu’on trouve un proxénète, il faut l’écraser. Qui veux-tu écraser, ma douce, plus tu en écrases plus il en sort. Mettons, mais il faut peut-être les écraser quand même. »

Informations pratiques
  • Giorgio Scerbanenco, Vénus privée – La première enquête de Duca Lamberti (Venere privata), traduit de l’italien par Laura Brignon, Totem, la collection de poche des Éditions Gallmeister – roman policier, 10,80 €