Archives Livres

Publié le mercredi, 27 août 2014 à 09h17

Marina Bellezza, nouveau roman de Silvia Avallone

Par Stefano Palombari

Marina Bellezza - couverture

Le deuxième roman est toujours un risque pour un jeune écrivain. Surtout si l'opera prima a été un grand succès. Il y a ceux qui choisissent la voie de la rupture et ceux qui continuent dans le sillon tracé par le premier.

Avec Marina Bellezza, Silvia Avallone, la jeune écrivaine italienne qui s'était fait remarquer avec D'Acier (Acciaio) a choisi la deuxième voie. On pourrait presque considérer ce livre comme une suite de son best seller, dans une sorte de cycle de romans sur la province italienne en plein changement. Ici, on quitte la Toscane industrielle, voir post-industrielle, de Piombino pour plonger dans le Piémont rural de Biella.

La chaleur et les bruits des aciéries en déconfiture d'une Toscane sans cyprès ni vignobles cèdent la place à la fraîcheur pétillante des montagnes piémontaises. La noirceur du crépuscule de l'industrie lourde est remplacée par l'espoir de la terre. Un retour aux fondamentaux qui n'est pas un recul mais l'aube d'un nouveau modèle économique qui en Italie séduit de plus en plus de jeunes.

Le grand-père d'Andrea Caucino était paysan et fier de l'être. Il avait des vaches autochtones et produisait avec passion de la tome et du Maccagno. C'était un modèle pour son petit-fils mais pas pour son fils qui, une fois devenu avocat, n'a eu de cesse de tenter d'effacer ses origines paysannes. Le frère d'Andrea, lui, s'est plié à la volonté de son père et a entamé une carrière universitaire aux États-Unis.

La vie sentimentale d'Andrea est un autre sujet de friction avec sa famille. Depuis son adolescence, le garçon est amoureux de Marina, une magnifique fille blonde aux formes généreuses. Tout en habitant juste en face de la grande villa des Caucino, Marina n'appartient pas du tout au même milieu. Sa mère descend lentement vers l'enfer de l'addiction à l'alcool et son père, Monsieur Bellezza, se débrouille avec des petits trafics.

Marina est animée par une forte envie de revanche sociale. Elle veut réussir, être quelqu'un. Consciente de ses atouts physiques, qu'elle ne rechigne pas à montrer effrontément, et de sa belle voix, elle se lance dans une « carrière » de chanteuse dans les foires de la région. Puis elle a la chance de sa vie : Participer à l'émission de télé-réalité qui passe sur les chaînes du groupe Mediaset (Berlusconi).

Au-delà du côté féerique de l'amour improbable de la bimbo de province, arriviste et ignorante, et du jeune agriculteur idéaliste, le livre tient la route. Ses 500 pages et plus ne doivent pas être un obstacle. Le plaisir de la lecture, aidé par un style d'écriture très agréable, est bien là.

On sent l'auteure très à l'aise dans ses explorations de la province italienne. Dans Marina Bellezza, elle raconte avec justesse le rôle essentiel et insoupçonné à cette réappropriation consciente et respectueuse de la terre. Silvia Avallone s'y arrête et, par la voix de son personnage, prend le temps de bien en expliquer les dynamiques subjacentes. C'est un choix réfléchi, pas un dernier recours.

Marina Bellezza est donc aussi un roman politique, qui montre bien que les Alpes séparent également deux conceptions différentes, voire opposées de l'agriculture. La petite production de qualité, c'est la nouvelle frontière de l'économie italienne. Le savoir-faire laissé en héritage par la génération active dans les années Soixante est repris et valorisé, avec l'aide de nouvelles techniques et dans le respect de l’environnement. On commence à prendre conscience dans la Péninsule que c'est la seule agriculture qui peut avoir un avenir. On est aux antipodes du modèle productiviste qui a encore la côte de ce coté-ci des Alpes. C'est d'ailleurs d'actualité vu que le Sénat vient d'adopter le « projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt » qui pénalise les petits éleveurs.

Informations pratiques

Marina Bellezza de Silvia Avallone, traduction de Françoise Brun, Liana Levi 23 euros