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Dalmata, entre concept et réalité

Par Stefano Palombari

La Pizza Margherita de Dalmata

En philosophie, le « concept » est à la base de la réflexion sur la réalité. C’est un instrument de connaissance et de partage d’expériences. On conceptualise dans le but d’expliquer.
En gastronomie, en revanche, le concept, le plus souvent, a pour objectif principal d’éviter d’expliquer. C’est un « concept », c’est tout. Dalmata est un concept pur... gastronomiquement parlant.

Le concept de Dalmata est complexe. Il englobe plusieurs autres concepts : Tout d’abord la couleur (dalmata en italien veut dire dalmatien) tout est noir et blanc, y compris la pâte de votre pizza. Puis un compteur affiche le nombre de pizzas produites car c’est limité à 101, comme les dalmatiens, par service. Ensuite le fonctionnement. La porte franchie, vous mettez un peu de temps à comprendre le mode d’emploi. La carte du restaurant en main, vous suivez la queue, vous choisissez et vous payez. Avant de vous asseoir ! Pas très pratique si vous attendez quelqu’un qui est en retard et qui doit donc se coltiner lui aussi la queue avant de pouvoir vous rejoindre.

Mais vous n’êtes pas au bout de vos peines. Si vous souhaitez déguster une bonne pizza en bavardant ou en lisant… ce n’est vraiment pas l’endroit pour vous. Carosone, chanteur napolitain des années 60, vous imposera sa voix pendant toute la durée de votre repas.

Avant de vous détailler le contenu des assiettes, quelques mots sur la carte. Les différentes propositions sont écrites dans une sorte de « novlangue », un mélange (très conceptuel) de français, anglais et napolitain. Faisant abstraction de la forme, la carte est bourrée de promesses. En la lisant vous vous dites que vous allez manger la meilleure pizza de tous les temps. Hélas, jamais oublier que nous sommes dans un monde conceptuel. En entrée (ici appelée Side) arancini et panzerotti (7 et 8 €), très bien frits, sont servis avec un petit bol de sauce au fromage pour les premiers, à la tomate pour les deuxièmes. Qui a dit que « tremper n’est pas tromper » ? Ceux qui connaissent Naples savent que la friture doit être mangée nature. Petite précision concernant les panzerotti, chez Dalmata on en sert la version napolitaine, c’est à dire des crocchette di patate.

Mais la grande déception arrive avec la pizza, que ce soit la margherita (the most expensive margherita 10,000 €, en langage conceptuel) ou la Napulè (anchois, olives et câpres – 13 €), car c’est la pâte qui pose problème. Elle est en partie brûlée (effet dalmatien) et caoutchouteuse, résultat de toute évidence, de l’emploi d’une farine de mauvaise qualité. Autour de nous, tout le monde laissait dans l’assiette le rebord (action très éloquente et très peu conceptuelle).

Dalmata ne se rattrape pas sur la fin. Le choix des desserts n’est pas pléthorique. On remarque qu’aucun dessert napolitain n’y figure (pas de pastiera, de babà, de sfogliatella…). Le tiramisù au citrons d’Amalfi (7 €), seul point de contact avec la Campanie, est farineux et fade. Le café serré oui, mais avec un goût de brûlé, est facturé 3 €. Bref, en surjouant la carte de Naples dans la forme, au point de tomber dans la caricature, le restaurant oublie malheureusement de la servir dans les assiettes.

Publié le mercredi, 14 février 2018 à 09h26

Informations pratiques
  • Dalmata
  • 8 rue Tiquetonne - 75002 Paris
  • Fermé le dimanche et le lundi

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