Vers un destin insolite…. de Lina Wertmüller en ligne sur Arte.tv

Par Amélie Ravaut

Édité il y a quelques années en DVD, le film de Lina Wertmüller : Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été, est actuellement disponible sur le site internet d’Arte. Réalisé au milieu des années 70, Travolti da un insolito destino nell’azzurro mare d’agosto, est un film tout autant solaire et jubilatoire que frénétique et désabusé, donnant le ton de cette décennie, faite de luttes et de larmes.

Lina Wertmüller, qui a débuté comme assistante de Federico Fellini, est - avec Liliana Cavani il faut bien l’avouer - une des rares figures féminines à avoir été mise en avant et être passé à la postérité de cette période du cinéma italien. Elle fera le choix, tout comme la plupart des metteurs en scène qui débutent à cette époque, d’intégrer à ses films une dimension politique et subversive, tout en y adjoignant pour sa part, un sens du grotesque furieusement comique et révélateur des fractures multiples que connaît alors la population italienne. Dans Vers un destin insolite… elle met en scène son tandem fétiche : Giancarlo Giannini et Mariangela Melato, dont les amours étaient déjà contrariées dans Mimi métallo blessé dans son honneur (1972).

Ici l’actrice incarne une bourgeoise arrogante et antipathique, venue passer l’été en compagnie de ses amis sur un yacht pendant que l’équipage est chargé de répondre à tous ses caprices de femme riche et émancipée. Lors d’une sortie en mer, Raffaella, accompagnée d’un des matelots, Gennarino (Giannini), un communiste sicilien qui enrageait jusqu’alors en silence, font naufrage sur une île déserte. Seuls au monde et aux antipodes politiques, il leur faudra inventer une manière de faire cohabiter leurs idéaux, leur histoire personnelle, leur éducation mais aussi, et surtout, leurs désirs.

Cette île prend des allures de laboratoire où se révèlent les conditionnements et mécanismes de pensée, l’homme et la femme alternant les rôles et passant de la provocation à l’euphorie, de la violence à la plus complète béatitude. L’acuité, la férocité du regard que porte Wertmüller sur ses personnages n’épargne ni l’un ni l’autre qui sont tout autant, en forçant le trait, d’une désarmante mauvaise foi que d’une attendrissante fragilité. Étant débarrassés de la société et donc, de ses multiples carcans, les deux individus expérimentent une manière inédite de vivre leur vie. Et ça, purtroppo, c’est vraiment connaître un destin insolite.