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Publié le vendredi, 9 octobre 2020 à 09h48

Una Promessa, film de Gianluca et Massimiliano De Serio

Par Valérie Mochi

Une scène Una Promessa

Sous un soleil de plomb, au sud de l’Italie, Angela part avec d’autres travailleurs clandestins dans les champs, d’où elle ne reviendra pas. Face à cette disparition tragique et mystérieuse, lancés dans une quête de vérité, son mari Giuseppe fait la promesse à leur fils Antò de lui rendre sa mère.

Sélectionné au festival de Venise Una Promessa (Spaccapietre) des frères jumeaux Gianluca et Massimiliano De Serio, mêle fait-divers et histoire personnelle à l’instar de leurs précédents films. Habitués des festivals, ils obtiennent souvent de nombreuses récompenses et c’est probablement ce qui se produira pour ce film engagé.

Le film est très travaillé sur le plan de l’image, les frères De Serio sont inspirés par Courbet avec la toile qui porte justement le même titre que leur film en italien Spaccapietre : « Les casseurs de pierres », la composition, les couleurs, les scènes dans la pénombre sont de véritables tableaux. La direction d’acteur est brillante, le jeune Samuele Carrino qui interprète le rôle d’Antò est magnifique de justesse et d’innocence quant à son père Giuseppe, Salvatore Esposito, il est la tendresse incarnée dans un jeu tout en retenue. Cruauté, tendresse, violence extrême, Una Promessa (Spaccapietre) dépeint la misère du Sud qui semble immuable.

« L’événement central du film s’inspire d’un fait-divers datant de l’été 2015 : la mort sur son lieu de travail de la journalière, originaire des Pouilles, Paola Clemente, et de l’absurde coïncidence avec la mort de notre grand-mère paternelle, décédée en travaillant dans ces mêmes champs en 1958. Le temps semble ne pas être passé et les conditions de vie des travailleurs, elles non plus, n’ont pas changées. Notre grand-mère était une journalière qui travaillait “sous patron”. Elle était entre les mains des caporaux et victime d’une exploitation du travail sans dignité ni respect des droits. Plus de cinquante ans après, nous découvrons que non seulement la situation n’a pas changé, mais qu’elle a empiré.

La nouvelle de la mort de Paola Clemente a fait naître en nous le désir d’enquêter sur la réalité invisible de milliers de travailleurs, en majorité des immigrés saisonniers, mais aussi de nombreux italiens appauvris et de tant de femmes comme Paola. Les journaliers parcourent chaque jour des kilomètres de route à bord de bus, déportés dans les champs, à la merci de nouveaux caporaux et “intermédiaires” et de la violence des patrons. Le mystère de la mort de Paola, en plus des conditions extrêmement dures et d’insupportables horaires de travail, semble être également liée à l’exposition aux pesticides à laquelle sont soumis les journaliers. Les désherbants sont en fait vaporisés sous les treilles de raisin, entre les rangées des vignes, à quelques mètres seulement des travailleurs qui n’ont aucun genre de protection.

Le film est tout d’abord la tentative de se réapproprier une âme, celle de notre grand-mère que nous n’avons jamais connue, à travers l’histoire et le corps d’une autre femme. Comme une sorte de métempsycose filmique qui prend son origine dans le passé, puis à travers la misère de notre pays, se projette dans l’urgence, Una promessa veut régler ses comptes avec ce court-circuit et racheter la dignité de ce corps – la Mère – perdu au fond de notre mémoire, (historique et politique, mais aussi intime et familiale). » Gianluca et Massimiliano De Serio

Informations pratiques

Una Promessa, film de Gianluca et Massimiliano De Serio dès le 14 octobre au cinéma

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