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Publié le lundi, 31 mai 2010 à 16h03

Parutions et présentations à Paris du poète italien Carlo Bordini

Par Olivier Favier

À l'occasion de la parution de ses poésies complètes en Italie, d'un long poème en France et d'un dossier dans la revue Europe, Carlo Bordini fera trois présentations à Paris en juin: le 16 juin 2010 à partir de 20h sur le marché de la Poésie place Saint-Sulpice, le 17 à 19h à la Librairie L'Odeur du book, 13 rue Ramey, Paris (métro Château Rouge), le 22 à 18h pour la semaine italienne à Paris (Place d'Italie face à la Mairie du treizième arrondissement Métro Place d'Italie lignes 5, 6 et 7). Retour sur trente cinq années d'écriture.

Éditeur de Marco Baliani, de Carmelo Bene ou plus récemment d’un mythe insaisissable, le poète Roberto Roversi, Luca Sossella publie en ce mois de juin un volume de poésies complètes de Carlo Bordini, que d’aucuns considèrent en Italie comme le contemporain capital. Au soutien du même Roberto Roversi et du critique Alfonso Bernardinelli, se sont ajoutés avec le temps les travaux et recensions de jeunes critiques et poètes, comme Marco Giovenale, Francesco Pontorno, sans oublier Filippo la Porta et Mauro Fabi, dont l’œuvre poétique, majeure elle aussi, s’inscrit dans sa continuité.

Malgré tout, la poésie de Carlo Bordini demeure confidentielle en Italie quand on commence à la découvrir en France et qu’elle rompt pour le moins avec la tradition expérimentale qui a dominé la péninsule depuis l’hermétisme jusqu’au groupe 63, et encore davantage avec le lyrisme pétrarquisant de tradition beaucoup plus lointaine. Sans doute est-ce cette originalité qui la rend difficile à définir, aussi regrettable puisse être le goût des classifications.

De ses aînés cisalpins, Carlo Bordini ne retient guère que le rythme irrégulier et hypnotique du grand poète crépusculaire Guido Gozzano –autre oublié, s’il en est, d’un public français pourtant rompu à Montale et à Ungaretti, comme à Cesare Pavese. Pourtant c’est surtout chez un autre poète né à Rome, mais d’expression française, Guillaume Apollinaire, que Carlo Bordini a puisé la force de mêler les registres de l’intimité amoureuse et de la destinée du monde, de jouer du collage et du recours non hiérarchisé à différents niveaux de langue. Si l’on ajoute les anglo-saxons Ezra Pound et T.S. Eliot, nous aurons sans aucun doute l’essentiel des influences majeures d’une œuvre qui pour le reste frappe par sa modernité.

Commencée en 1975 –l’auteur a alors trente-sept ans-, elle a été marquée de moments majeurs –des poemetti, lesquels désignent des œuvres longues, en référence à la poésie épique de l’Arioste ou du Tasse. La passion amoureuse –et sa lutte sans vainqueur ni vaincu- est au centre de Strategia, écrit en trois jours et publié en 1981, comme elle habite Pericolo, qui réintroduit la dimension politique –bien après une vie de militant close à l’orée des années 1970. Avec Poussière, publié en 1999, la disparition de l’ami et photographe Luigi Ghirri, impose les thèmes de la vieillesse et de la mort : le poème prend ici la forme d’un ecclésiaste laïc et revêt un ton et un vocabulaire nouveaux.

Au caractère « obscène » de la violence initiale, s’ajoute désormais une douceur qui la fait plus lucide, comme si l’auteur puisait dans la résignation -la vertu de ne plus attendre- le don de mêler sans effort microcosme et macrocosme, dans une forme de dialectique archaïque qui n’est pas sans rappeler la philosophie renaissante. En 2006 enfin, il publie Poema inutile, dont la densité résume trente années d’écriture. Il faut ajouter à ces étapes importantes quantité de poésies plus courtes, dont certaines - Poème à Trotsky ou les Gestes pour n’en citer que deux- ont acquis d’emblée une dimension classique. Carlo Bordini a aussi publié en prose, un roman, Gustavo, un récit de voyage en Amérique latine chez le même Luca Sossella, un Manuel d’autodestruction dont la traduction, en son temps, fut saluée par Roland Jaccard.

À lire:

Viennent de paraître en français.

Danger / Pericolo, Évian, Alidades, 2010.
Olivier Favier, Francesco Pontorno, « Haute Simplicité, entretien avec Carlo Bordini, suivi d'une prose et de sept poèmes », Europe Juin/ Juillet 2010.

Pour aller plus loin:

Poussière / Polvere, Évian, Alidades, 2007. Suivi d’un essai sur Luigi Ghirri.
Olivier Favier, « La poésie narrative italienne, suivi d’un choix de poèmes de Carlo Bordini, Mauro Fabi et Andrea di Consoli », Décharge n° 139, septembre 2008.
Olivier Favier, « Une douce lucidité, parcours dans l’œuvre en prose de Carlo Bordini », Siècle 21 n° 13, automne-hiver 2008.

En italien:

Carlo Bordini, I costruttori di vulcani, Tutte le poesie 1975-2010, Luca Sossella editore, Bologna,
496 pagine
ISBN 978-88-89829-77-6
Prezzo € 20,00

Danger, pericolo de Carlo Bordini