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Publié le jeudi, 19 juin 2008 à 09h52

Mort accidentelle d’un anarchiste de Dario Fo

Par Stefano Palombari

Dans un commissariat de Milan, un anarchiste tombe « malencontreusement » du quatrième étage d’un commissariat. L’enquête conclut à un suicide. Quelques semaines plus tard, un fou est interrogé dans ce même commissariat. Se faisant passer tour à tour pour juge à la cour de cassation, capitaine de police puis évêque, il va s’attacher au fil de la pièce à démonter un à un les arguments contradictoires des policiers présents au moment de la « chute », parvenant finalement à faire éclater le scandale. Dans cette farce, Dario Fo évoque un fait divers réel survenu à Milan en décembre 1969.

Lorsque Dario Fo écrit cette pièce, nous sommes en 1970. Pinelli, le cheminot anarchiste interrogé par Calabresi est « tombé » par la fenêtre un an plus tôt. L’affaire est vite classée pour sauver commissaires, préfets et hauts représentants du gouvernement. Résultat : dans un climat d’insécurité, la répression a rassuré, une fois de plus, le peuple.

Un personnage central pour pousser ce cri libérateur : le « fou ». Celui qui est à l’écart, qui pense différemment, celui qui vient d’ailleurs, le « sauvage ». L’Arlequin issu de la Commedia dell’arte.
On comprend alors que « Mort accidentelle d’un anarchiste » n’est pas une pièce didactique, mais une « farce militante ». Tel un Arlequin, le fou se travestit en professeur, en psychiatre, en capitaine de police, jusqu’à devenir évêque… et l’inversion carnavalesque, propre au théâtre forain, s’accomplit. Nous sommes alors, l’espace d’un instant, dans un monde renversé.
Mais un Arlequin dans un commissariat de police est forcément à l’étroit, il lui faut donc pousser les murs, les égayer, casser la tristesse ambiante. « C’est pour cela que j’ai choisi un espace scénique simple où tables, chaises, armoire, fenêtre peuvent se déplacer sans cesse, explique Karine Tabet, la metteur en scène. Le décor sera lui-même un personnage en mouvement qui pourra peu à peu se déstructurer, et ce, jusqu’à l’explosion finale : une bombe lâchée par le fou. Dans ce chaos, peut-être sera-t-il alors possible de reconstruire ?

Dario Fo est né en 1926, dans une famille prolétarienne. A à peine 25 ans, il s’ouvre à une véritable réflexion politique pour commenter avec l’irrévérence et la férocité qui le caractérisent, l’actualité à la radio. Peu après, il fonde avec sa femme, Franca Rame, sa compagnie théâtrale, grâce à laquelle il peut fustiger les institutions et les classes dirigeantes comme les attentats meurtriers des années 70, les coups d’états plus ou moins orchestrés par les services secrets, la répression policière, la corruption, l’opération « mains propres », etc… Son théâtre est le reflet de l’histoire contemporaine de l’Italie, de son engagement dans la lutte des classes. Il y utilise avec brillo tous les mécanismes du rire, y exprime sa fantaisie surréaliste et met en scène son art du théâtre de tréteaux.
Compagnon de route du PC italien, il affirme pourtant son indépendance en refusant de devenir un instrument de propagande. Rien ne lui sera épargné : censure ouverte, menaces, poursuites pour « délit d’opinion », enlèvement de Franca Rame par un commando fasciste ; dans tous ces combats, il se montre un lutteur infatigable dont on retiendra essentiellement la qualité de son oeuvre (à la hauteur de son engagement), qui lui valut le prix Nobel de littérature en 1997. Il est notamment l’auteur de Non si paga (Faut pas payer), Mistero buffo (Mystère bouffe) ou encore Storia della tigre (Histoire du tigre).

Informations pratiques
Théâtre Le Ranelagh plan d'accès
5, rue des Vignes - 75116 Paris (M° La Muette / Passy)
Tél. 01 42 88 64 44
Dates : jusqu'au 5 juillet 2008, du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 15h. Relâches exceptionnelles les 27, 28 et 29 juin

Partenariat Théâtre Le Ranelagh / L'Italie à Paris
Tarif préférentiel 20€ au lieu de 28 € pour nos internautes pour le 25 ou 26 juin, dans la limite des places disponibles
(pour obtenir la réduction:
Réservez en citant l'Italie à Paris au Tél. 01 42 88 64 44 et présentez à la caisse ce justificatif imprimé)

Mort accidentelle d’un anarchiste
Théâtre Le Ranelagh, jusqu'au 5 juillet 2008 tarif préférentiel