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Publié le mercredi, 29 février 2012 à 09h51

La liberté est un trou

Par Emilie Voisin

René Clément tourne Che gioia vivere au début des années 60, à Rome et en italien. Il s’inspire à un genre florissant encore peu connu dans l’Hexagone : la comédie « à l’italienne ».

À la manière de Monicelli et Risi, le cinéaste alterne burlesque et pathétique, gags et quiproquos pour faire passer un thème, politique, philosophique et intime, cher à son œuvre: qu’est-ce que la liberté ?

Cette question sera posée maintes fois à Ulysse – interprété par un grand Alain Delon – jeune orphelin, qui de l’institut catholique passe par le service militaire, avant de se retrouver dans la rue, enfin « libre » mais sans travail ni argent… Mais ce n’est qu’après une série de péripéties, montées comme autant de scénettes cocasses, que notre héros (malgré lui) en trouvera la réponse.

Nous sommes en Italie, en 1921, période pendant laquelle s’affrontent – ici de manière caricaturale et grotesque à coups de jambons ! – les fascistes bientôt au pouvoir et les anarchistes.

Ulysse passe d’un camp à l’autre, par opportunisme, puis par amour : intéressé par le gain, il s’engage d’abord chez lez fascistes qui promettent une bonne paie s’il découvre la typographie qui imprime des tracts antifascistes. Il se retrouve donc chez Olinto Fossati, patron de l’imprimerie, père de quatre enfants, dont Franca – la très belle Barbara Lass - et tous anarchistes convaincus.

Tombant sous le charme de la jeune fille, il décide de rester, embauché par le « pater familias » et finit même, dans son désir de plaire, par se faire passer pour « Camposanto », un dangereux terroriste, en mission secrète pour tuer des généraux européens en visite à Rome.

Tout ce beau monde sera placé, de manière « préventive », en prison par la police mais c’est Franca, à la fois ingénue et fanatique, qui indiquera à Ulysse le « trou Sylvestre », un passage secret pour s’échapper de la prison. Car la pasionaria, tombé amoureuse de Camposanto - alors qu’elle méprisait l’Ulysse matérialiste - veut l’aider dans sa mission et concrétiser l’idéal dans lequel elle a été élevée : la liberté et la paix à tout prix, même à coups d’explosions !

C’est donc par hasard puis par choix véritable - ni du côté des fascistes « persécuteurs », ni du côté des anarchistes poseurs de bombes - qu’Ulysse découvre sa réponse à LA question: « La liberté, Monsieur, c’est un petit trou dans une prison… comme la moelle au milieu d’un os ! ». Définition d’une simplicité désarmante mais efficace…

Dans un même souci libertaire, je laisse au lecteur le choix de la conclusion ! Celle de Denitza Bantcheva, écrivain et critique: « le refus de toute doctrine associé au thème de la liberté confère à Quelle joie de vivre une complexité, une originalité et un intérêt intellectuel qui en font l’un des plus grands films politiques de l’histoire du cinéma, doublé d’une fable qui ne saurait vieillir » (Clément, Éditions du Revif).

Et la mienne, plus prosaïque : allez voir ce « vieux » film pour le plaisir du noir et blanc, la bravoure des acteurs et la beauté de la langue !

Alain Delon et Giampietro Littera dans le film quelle joie de vivre
Critique du film Quelle joie de vivre