Italo Svevo ou l’Antivie, par Maurizio Serra

Par Francesco Romanello

Ambassadeur d’Italie auprès de l’Unesco à Paris, Maurizio Serra est aussi un érudit passioné de litterature, auteur d'importants essais sur la culture européenne du XXe siècle. Après un ouvrage sur Curzio Malaparte (Prix Goncourt de la biographie en 2011), il vient de publier en France un livre consacré à Italo Svevo. Serra passe ainsi de la vie sulfureuse d'un intellectuel controversé et aux mille visages à celle discrète, presque banale et insignifiante, d'un mari bourgeois qui dans ses romans a su raconter le côté sombre de l'homme moderne.

Italo Svevo (1891-1928), pseudonyme d’Ettore Schmizt, est en fait, à côté de Pirandello, l'un de plus grands écrivains de la littérature italienne du Novecento. Il reste pourtant pratiquement inconnu au public français. L'objectif du volume "Italo Svevo ou l’Antivie", publié chez Grasset, est donc de donner au lecteur non-italien une vision non seulement de la vie du romancier, mais aussi du contexte historique et culturel dans lequel il a vécu et travaillé.

Dans ce livre, Serra explore l'existence énigmatique de ce commerçant avisé et industriel prospère, né à Trieste, qui s'est longtemps tenu à l’écart de la littérature. Juif converti au catholicisme, il reste toute sa vie un agnostique. Italien de conviction, il perçoit les signes avant-coureurs de l’avènement du fascisme après la Grande guerre. Méfiant à l’égard de la psychanalyse mais ami de James Joyce, il écrit le premier roman "psychanalytique", La coscienza di Zeno (1923)...

Cette biographie est donc le récit de la difficile coexistence entre l'homme et l'écrivain, son double. L'auteur avance la théorie que la grandeur de Svevo découle et réside dans la recherche d'un équilibre entre son existence typiquement "classe moyenne" et la modernité de son instinct créatif. Comment peut-on concilier une vie avec une anti-vie, voici le mystère qui traverse les pages de cet ouvrage raffiné.