Publié le vendredi, 4 décembre 2020 à 09h43
Il mio Corpo, film de Michele Pennetta. La Sicile, l’été, loin des touristes et de ses clichés.
Gros plan du visage d’un garçon appuyé sur la vitre d’une camionnette en marche, plus tard un autre plan similaire fait écho, un jeune homme noir appuie sa tête sur la fenêtre d’un bus, les paysages désertiques du centre de la Sicile défilent, le décor est planté.
Le film de Michele Pennetta, Il mio corpo met en scène deux personnages qui ont en commun la même misère qui les accable et le même regard pointé vers l’horizon.
Oscar est un jeune garçon abandonné par sa mère que son père ferrailleur envoie fouiller dans les décharges, Stanley est un migrant du Nigeria arrivé en Italie par la mer qui vivote grâce aux travaux proposés par un prêtre charitable.
Documentaire ou fiction, la question n’est pas importante, Michele Pennetta filme des personnes, pas des acteurs, et il les filme de près, très près avec beaucoup de sensualité. Comme le titre du film le souligne, les corps sont les protagonistes, les corps en action dans la poussière, la chaleur et la lumière crue de Sicile.
Un travail d’équilibriste pour le réalisateur qui réussit à nous transporter dans cette histoire sans jamais s’imposer. Les « participants » du film ne jouent pas, ils sont naturels et la caméra sait se faire oublier même dans des scènes difficiles comme la dispute du père ferrailleur à table avec toute la famille recomposée ou comme dans les scènes de repas animés entre les deux amis africains.
Oscar extrait de la décharge la statue d’une madone qui s’élève dans les airs, Stanley balaie dans une église et on entend le Stabat Mater, des références à l’élévation du corps et de l’âme, tout participe dans le film à essayer de rendre une dignité à ces vies d’oubliés.
Ils sont abandonnés de tous et seul un montage parallèle réunit ces deux êtres, le premier a un frère, une famille et le second un ami, une communauté, mais ils sont seuls, seuls au monde, seuls dans une Sicile qui semble les maintenir prisonniers, enfermés dans leur île, enfermés dans un destin qu’ils ne peuvent pas imaginer. S’ils sont souvent pensifs, leur regard n’est pas perdu vers l’horizon, il est fort, perçant, peut-être pour essayer de traverser le mur invisible mais bien réel que la misère a placé devant eux.
Michele Pennetta : « Nous avions rarement des lumières avec nous, excepté pour les scènes d’intérieur où la lumière était trop basse. Nous avons vraiment travaillé la lumière naturelle et tourné à des périodes de la journée où ces contrastes étaient les plus évidents et les plus typiques de la Sicile. A l’époque où nous tournions, la lumière était magnifique, créant cette opposition entre beauté et misère. C’est un des thèmes d’ Il mio corpo. J’essaie de sublimer l’environnement. Je voulais restituer la beauté que je vois chez les personnes que je filme, même si leur vie et leur travail sont difficiles. Dans mon film, les mots sont rares donc nous avons fait en sorte de rendre les gestes éloquents et de montrer la grâce qui s’en dégage ».
Informations pratiques
Au cinéma dès le 30 décembre
Jeu-concours des places à gagner (suspendu) réservé aux abonnés à notre lettre