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Publié le vendredi, 30 mai 2008 à 18h22

Exposition de Michelangelo Pistoletto à la Galleria continua

Par Stefano Palombari

L'exposition Binahayat (ou « infini » en persan) au Moulin réunit des pièces qui traversent l'Oeuvre de Michelangelo Pistoletto. Né en 1933 à Biella (Italie), le parcours de cette figure importante de l'Arte Povera et de l'art conceptuel est exceptionnel à maints égards. Son travail sur le temps, le banal, la forme, l'abstrait est corrolaire d'une attitude humaniste forte et l'art prend avec lui base sur l'éthique.

En 1968, à la Biennale de Venise, Pistoletto présente le « Manifeste de la Collaboration ». C’est à partir de là que naît le « Zoo », un groupe ouvert qui propose un art d’échange créatif, c’est-à-dire de découverte de l’identité de « l’autre ». Puis, en 2001, il fonde la Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, son Université des Idées à Biella, près de Turin, dont le but est « d’inspirer et de produire une transformation responsable de la société à travers les idées et les projets créatifs » en réunissant sa famille, des amis, des artistes, des personnes du monde de l’art, des scientifiques, des chercheurs, des curieux et intéressés, etc. Puis, de la société microcosmique Cittadellarte et de l’imagination de Pistoletto est né « Love Difference » : ce « mouvement artistique pour une politique interméditerranéenne » qui propose de faire travailler ensemble les artistes de tout le bassin méditerranéen. Par ce biais, Pistoletto interroge ainsi le phénomène de la globalisation. En outre, par l’utilisation de la langue persane (l’empire Perse antique – actuel Iran - bordait la Méditerranée à l’Est et ouvre aujourd’hui encore sur l’Eurasie) dans le titre de l’exposition Binahayat, l’artiste formule ici une tentative de croisement spatio-temporel entre l’Orient et l’Occident.

Parmi les oeuvres exposées au Moulin, les miroirs « fractals » jouent un rôle important. Le miroir est au centre de l’OEuvre de Pistoletto depuis l’Autorittrato oro (1960), les premiers Quadri specchianti (ses Tableaux-miroirs de 1961-1962 dans lesquels des figures humaines et des objets étaient peints sur des surfaces réfléchissantes), au Metrocubo d’infinito, le M3 d’infini (1966), ce cube fermé dont les six faces intérieures sont des miroirs se reflétant à l’infini. L’effet miroitant dans le cube n’est pas visible. On entre dans l’oeuvre exclusivement avec l’imagination et par l’exercice mental.

La glace permet à l’Homme de vivre une expérience figurative fondamentale : l’acte de se mirer. Le miroir est l’un des symboles de la phénoménologie de l’oeuvre aussi bien que des sciences cognitives. Le matériau réflecteur permet à l’artiste de questionner la bidimensionnalité du tableau, qui devient tridimensionnelle grâce à la profondeur de champs impalpable renvoyée. Dimension à laquelle l’artiste en ajoute une quatrième : celle du temps, qui défile sous les yeux du regardeur, comme un présent continu en devenir, lié à la notion d’A-R-T « artists run time » (Hans Ulrich Obrist dans Speed and Slowness, “Deimantas Narkevicius, Michelangelo Pistoletto, Jeff Preiss and Museum in Progress”. Ed. Gli Ori, Prato et Galleria Continua, San Gimignano, 2003, p. 8.).

Dans les années 1970, Pistoletto commence à découper les miroirs, à les diviser, les multiplier et à les recomposer en autant de tableaux. Pourtant, chaque petit bout, chaque partie conserve le pouvoir de capter l’univers et de le restituer. Cette métonymie appliquée à l’art, proche de la philosophie bouddhiste, agit comme une maxime visuelle : la partie contient le tout et vice versa. En outre, les Fractal black and light montrés au Moulin représentent également la libération de la pensée spirituelle des chaines de la figuration et de l’influence historique de l’icône.

Le miroir est présent jusque dans l'installation The Labyrinth, ce motif mythologique, symbole de la Vie, de la Connaissance, de voyage et dont la spirale peut renvoyer à une vision cyclique de l'histoire. Le dédale prend ici la forme d'une installation dans la partie la plus ancienne du Moulin (14e siècle) en carton ondulé, un matériau traditionnellement considéré comme pauvre. Une autre des actions de Pistoletto, manifestée en objets à usage banal et en adéquation avec la finalité exprimée à la « Cittadellarte », a été de choisir un symbole, le Segno Arte, le Signe Art (son signe personnel dérivé de L’Homme de Vitruve, ce dessin modèle géométrique d’un homme normal de Leonard de Vinci), qu’il décline sous toutes les formes possibles d’objets utilitaires : table, lit à baldaquin, fenêtre, radiateur, porte, etc. Certaines de ces pièces historiques sont visibles dans l’exposition Binahayat au Moulin.

Informations pratiques
Galleria continua
Le Moulin 46 rue de la Ferté Gaucher - Boissy-le-Châtel (Seine-et-Marne)
Tél. 01 64 20 39 50, e-mail : lemoulin@galleriacontinua.com
Dates : du 14 juin 2008 au 24 juin 2008, vendredi, samedi et le dimanche de 12h à 19h.
Inauguration : le samedi 28 juin au Moulin de 18h à minuit : A 18h : visite des expositions et cocktail ; de 21h à minuit : banquet campagnard et Dj set au bord de la rivière
Michelangelo Pistoletto Galleria continua, du 28 juin 2008 au 5 octobre 2008